
Marché des céréales
Céréales : Retour aux fondamentaux
Jusqu’à présent, la campagne de commercialisation mondiale de céréales de l’Union européenne n’essuie aucun écueil. Mais les places de marchés restent en alerte permanente. Le conflit russo-ukrainien et ses nombreux rebondissements et la flambée des prix des engrais et de l’énergie restent des sujets d’actualité. Des températures caniculaires en Argentine et le de Nina au Brésil compromettent les prochaines récoltes de maïs.
A mi-campagne, la Commission européenne a dressé un premier panorama des sept premiers mois de la campagne d’exportations de céréales 2021-2022. Au 30 janvier dernier, 16,6 millions de tonnes de blé (Mt) ont été expédiées vers les pays tiers. La moitié des quantités de blé exportée a été expédiée de France et de Roumanie à parts égales.
L’Algérie, l’Egypte, la Chine, le Nigéria et la Corée du sud sont les cinq principaux pays destinataires. Toutefois, l’Algérie a importé moins de bé que l’an passé (2,5 Mt ; -800 00 t). Le pays s’approvisionne massivement en Russie.
L’Union européenne a fait une percée remarquable sur le marché égyptien : 1,6 Mt de blé a été vendue, soit 1,33 Mt de plus que la campagne passée. Cette performance reflète la très bonne compétitivité de la céréale européenne.
D’ici la fin de la campagne, l’Union européenne devrait avoir vendu près de 34 Mt, selon le Conseil International des céréales (CIC).
Au cours des sept premiers de campagne, 5 Mt d’orges et 368 000 tonnes de blé dur ont aussi été exportées.
Maïs : l’UE importatrice à l’ouest, exportatrice à l’est
La Chine, l’Arabie saoudite, la Turquie, la Jordanie et l’Algérie sont les cinq pays principaux importateurs d’orges européennes. L’empire du milieu en a déjà acheté encore bien plus que l’an passé (2 Mt, + 0,3 t sur un an). L’orge européenne a séduit la Jordanie et la Turquie. A contrario, l’Arabie saoudite (550 000 t) se détourne du marché européen. Le royaume a acheté 650 000 t d’orges de moins que l’an passé.
Pour le blé dur, la Turquie, le Nigéria et la Mauritanie sont les trois principaux pays clients de l’Union européenne avec des ventes en nette progression.
L’Espagne et les Pays-Bas rendent l’Union européenne importatrice nette de maïs mais dans de moindres proportions que par le passé. Sur les 9 Mt importées, 4,8 Mt proviennent d’Ukraine et 3,2 Mt du Brésil. Mais depuis les côtes de la Mer Noire, la Roumanie a pour sa part exporté 2,4 Mt de maïs et la Bulgarie, 330 00 t vers les pays tiers.
Au cours des prochaines semaines, les chargés de marchés redoutent les bruits de botte à la frontière entre la Russie et l’Ukraine et un blocage du trafic maritime dans la Mer Noire.
La situation dans l’hémisphère sud offre néanmoins quelques moments de répit. En Argentine, 22 Mt ont été récoltées, soit 5 Mt de plus que l’an passé (17 Mt en 2021). Les quantités de blé disponibles à l’export sont estimées à 14,7 Mt. Mais la récolte, à peine terminée, 13,1 Mt de licences d’exportations ont été délivrées, soit 90 % du quota fixé par le gouvernement (14,5 Mt).
Campagne 2022-2023 dans le viseur
Les prévisions de productions mondiales de blé et de maïs sont très fragiles et susceptibles d’être revues à tout moment.
Sur la base des surfaces emblavées, le CIC table sur une production mondiale de blé de 792 Mt en 2022-2023. Elle est juste suffisante pour couvrir les besoins de la planète.
Toutefois, Nathan Cordier, analyste céréalier à Agritel n’exclut pas une production mondiale de blé déficitaire de 8 à 10 Mt. Le 27 janvier dernier, il participait au colloque Paris grain day organisé par Agritel.
Les producteurs des principaux pays exportateurs de blé pourraient être tentés de renoncer à épandre autant d’engrais que l’an passé pour ne pas produire à perte alors que les prix sont élevés.
A la fin du mois de décembre, les prix des intrants étaient supérieurs de 24 % à leur niveau de l’an passé, selon le service de statistiques du ministère de l’Agriculture (Agreste). Mais ceux des engrais et de l’énergie ont progressé de 79 % et de 39 % en un an. Or les cours des céréales n’ont entre temps augmenté que de 37 %.
Autre facteur de volatilité et d’incertitudes sur les marchés céréaliers, la taxation des exportations russes de céréales.
« La Russie continuera à les taxer pour alimenter son budget, affirme Christina Serebryakova, courtier et chef de département à Astria Broker. Et cette taxe pénalisera fortement les céréaliers ». Christina Serebryakova intervenait durant le colloque Paris grain day.
Mais selon le site russe Sevecon.ru, Vladimir Kashin, député de la Douma plaide pour une révision des règles de calcul pour prendre en compte la hausse des coûts de production. Actuellement, chaque tonne de blé vendue plus de 200 dollars est taxée. Le montant du prélèvement est égal à 70 % de l’écart de prix entre celui du contrat et le prix de référence de 200 dollars. Cette semaine, la taxe est fixée à 93,9 dollars par tonne.
La campagne de maïs sur la sellette
Pour le maïs, une partie de la campagne 2021-2022 se joue dans les trois prochains mois. Au Brésil, les trois quarts de la production de la céréale repose sur la Safrina, cultivée en seconde culture.
L’USDA table sur des productions record de 175 Mt mais la Nina surgit de nouveau au Brésil. En Argentine, les conditions de cultures se sont détériorées. La température caniculaire aux mois de décembre et janvier derniers a fortement altéré les plantations de maïs alors en pleine floraison. Selon la bourse de Rosario, la production argentine de maïs serait de 48 Mt, soit 10 Mt de moins qu’encore escompté un mois auparavant. Le gouvernement argentin pourrait alors être tenté de protéger son marché intérieur.
Autrement dit, moins de maïs sera alors disponible à l’export dans le monde durant la seconde partie de la campagne alors que le blocage du commerce maritime dans la Mer Noire reste une hypothèse plausible si le conflit russo-ukrainien s’envenime. Aucun pays n’est réellement en mesure de prendre le relais des pays défectueux.