Marché des céréales
La situation ukrainienne perturbe les marchés
Blé
L’annonce de bombardements de cibles ukrainiennes par Vladimir Poutine, marquant le début d’un conflit armé total en Ukraine, a fortement perturbé les marchés ce jeudi. A Chicago, le contrat Blé a explosé dans la nuit atteignant de très près la limite maximale en une seule séance boursière (+50 cts$/boisseau). Le prix du blé à Chicago est au plus haut depuis 2008. Sur Euronext, l’échéance mai 2022 a clôturé à +21€ hier soir, à 315€/t, et avec une variation intrajournalière de +12%. Le cours est monté hier jusqu’à 344€/t.
La raison principale pour laquelle les marchés sont autant perturbés est que la Russie et l’Ukraine sont des acteurs majeurs pour le commerce mondial de blé mais ce n’est pas la seule. A court terme, la logistique portuaire est impactée, les départs depuis la mer Noire sont suspendus (la navigation était à l'arrêt en mer d’Azov et en mer Noire hier). A cela s’ajoute des craintes de hausse du fret maritime mais surtout une insécurité juridique sur les contrats avec notamment des risques de défauts pour « cas de force majeure ». A plus long terme, le spectre de sanctions et ses conséquences pourraient rebattre les cartes des échanges mondiaux.
Aujourd’hui l’Egypte s’approvisionne majoritairement en Russie, mais, selon Intercéréales, le ministre de l’Approvisionnement n’est pas inquiet de la situation dans l’immédiat puisqu’il a assuré avoir 5 mois de stocks de réserve et d’autre part la collecte égyptienne qui devrait débuter mi-avril complètera la demande locale. De plus, la Roumanie (qui aujourd’hui approvisionne majoritairement le GASC – 41% des parts de marché) pourrait palier en partie le risque de défaut des Russes.
A contrario, la destination principale à l’exportation vers les pays tiers du blé comme de l’orge est la Chine. Cela va-t-il perdurer compte tenu des relations entre la Chine et la Russie ?
Toujours selon Intercéréales, si la Russie est exclue du réseau bancaire, elle devrait se tourner vers un autre partenaire puissant. Ce dernier pourrait bien être la Chine et ils pourraient, ensemble, construire un nouveau réseau interbancaire russo-chinois, en concurrence du réseau actuel. Au-delà d’être proche géographiquement parlant, Russie et Chine ont annoncé dernièrement avoir trouvé un accord pour l’exportation de blé et d’orge russe vers la Chine, ce qui n’existait pas jusqu’à présent, faute d’accord phytosanitaire. Cela va conduire, sur la campagne à venir, à une intensification des échanges entre les deux pays.
Et les sanctions internationales peuvent avoir d’autres conséquences inattendues…. En août 2014, après l’annexion de la Crimée par la Russie et les sanctions occidentales, la Russie a pris des contre-sanctions interdisant l’importation de certaines denrées alimentaires des États-Unis et de l’UE, comme le bœuf, la volaille, …. L’industrie alimentaire russe a saisi sa chance. Beaucoup d’investisseurs qui ne s’occupaient pas auparavant d’agriculture se sont soudain intéressés à l’agriculture.
Du côté des engrais, la Russie exporte du gaz vers l’Union Européenne via l’Ukraine. Si la Russie coupe les vannes vers l’Union Européenne, les 27 pourraient alors voir une importante crise de l’énergie et des engrais avec une flambée des cours qui demeurent déjà très hauts. Si la situation venait à durer, cela pourrait avoir un impact considérable sur les engrais et sur la production de céréales en Union Européenne.
Maïs
En maïs, les cours se sont également envolés, mais dans une moindre mesure par rapport au blé. L’échéance juin sur Euronext a gagné +9,5€ et à Chicago, le maïs a clôturé en hausse pour les contrats à terme de l’ancienne récolte et en baisse pour ceux de la récolte 2022-2023.
L’impact de la situation en Ukraine est à regarder du côté des importations européennes. L’Ukraine est le 1er fournisseur de maïs de l’Union (15 Mt d’importations attendues cette année, l’Ukraine représente 45% des volumes fournis à l’UE), en particulier pour l’Espagne et le nord de l’Europe, à destination des fabricants d’aliments. Et l’Ukraine bénéficie d’exemption de droits de douanes pour le marché européen. En cas d’absence de maïs ukrainien pour le marché français, il faudrait donc se tourner vers d’autres origines, comme l’Amérique du Sud ou les Etats-Unis.
A contrario, sur le plus long terme, en soutien à l’Ukraine, l’Europe pourrait importer davantage de maïs ukrainien, ayant une capacité de production qui n’est pas à bout de souffle.
**** Toutes nos pensées aux victimes du conflit ****