
Marché des céréales
Nouvelle campagne, nouvelle récolte et des incertitudes
En France, la prochaine récolte d’orge d’hiver arrive sur le marché alors que les cours sont inférieurs à l’an passé. La campagne céréalière 2024-2025 s’est achevée avec une contraction des échanges de blé sauf en Afrique, convoitée par la Russie. Mais celle-ci n’est plus la bienvenue en Syrie.
Le Service de la statistique et de la prospective du ministère de l’Agriculture estime à 7,8 millions de tonnes (Mt) la production d’orge d’hiver. Bien qu’elle soit supérieure de 13,5 % à l’an passé, elle resterait inférieure à la moyenne 2020-2024 (8,0 Mt). Toutefois, le rendement national moyen de 64,6 quintaux par hectare (q/ha) est supérieur de près de 9 q/ha à l’an passé.
Mais sur le marché de Rouen, la tonne d’orge (autour de 177 €/ha) a perdu une quinzaine d’euros en une dizaine de jours, une fois la paix entre l’Iran et l’Israël retrouvée. Aussi, la campagne de commercialisation débute avec des cours inférieurs à l’an passé d’une quinze d’euros. Autrement dit, les gains de rendements sont quelque peu compensés par la baisse des cours.
L’orge de printemps achève son cycle de croissance et de développement dans des conditions dégradées comparées à l’an passé, surtout depuis que des températures caniculaires se sont abattues sur ces cultures particulièrement vulnérables.
Pour le blé d’hiver, la moisson a débuté. Le 23 juin dernier, l’observatoire Céréobs de FranceAgriMer signalait des conditions stables sur une semaine, bonnes et très bonnes à 68 %, tout en demeurant supérieures de 8 points à l’an passé.
A Rouen ces dix derniers jours, le cours a décroché dans les mêmes proportions que l’orge. La tonne de blé oscille autour de 190 €.
En fait, le marché de la céréale est tiraillé par des nouvelles rassurantes et par d’autres plus préoccupantes.
« Alors que nous entrons dans la récolte de mi-année dans l'hémisphère nord, une récolte plus importante que prévu devrait limiter la hausse des prix mondiaux du blé, a déclaré Dennis Voznesenski, économiste agricole à la Commonwealth Bank of Australia, dans sa récente alerte hebdomadaire sur les produits agricoles », rapporte le site Ukragroconsult.
Mais en France, le dôme de chaleur pourrait altérer la maturation des blés au nord de la Loire. En Amérique du Nord, les fortes températures échaudent le blé de printemps alors que la récolte du blé d’hiver prend du retard.
Exception africaine
Le commerce mondial de la céréale (202 Mt – source USDA) a reculé de 10 % en 2024/25 par rapport à l'année précédente. Mais l’Afrique sub-saharienne a augmenté de 7,5 % ses importations en 2024-2025 comparées à la campagne précédente.
Le seuil de 30 Mt de blé importées, franchi en 2024-2025, sera de nouveau atteint en 2025-2026 selon l’USDA.
L’ensemble du continent africain achète dorénavant plus de 60 Mt de grains chaque année, soit le potentiel d’exportation de la Russie et de l’Ukraine réunies.
Or expédier des céréales dans cette région du monde ouvre un champ d’opportunités politiques, institutionnelles et militaires considérables. La Russie l’a très bien compris.
Durant la campagne 2024-2025 qui vient de s’achever, elle disposait d’un pactole de 45 Mt de blé pour inonder les marchés céréaliers alors que la France ne pouvait en exporter que 3-4 Mt hors de l’Union européenne. Sa récolte calamiteuse en 2024, la plus faible depuis quarante ans, a réduit de 70 % ses capacités d’exportations vers les pays tiers.
La production africaine sub-saharienne n’excède pas 10 Mt chaque année. Elle est essentiellement localisée en Ethiopie et en Afrique du Sud. Or l’appétit du sous-continent croît chaque année, favorisé par une démographie galopante, une agriculture qui peine à répondre à des besoins plus importants chaque année et à des habitudes alimentaires de plus en plus occidentalisées. Par ailleurs le prix du blé très bon marché en 2024-2025 a aussi rendu la céréale très attractive ces derniers mois.
Les années passées, les exportations russes et européennes représentaient au moins 70 % des importations sub-africaines de blé.
La Russie reléguée
En Syrie, la campagne céréalière 2024-2025 s’est achevée par la levée progressive des sanctions économiques prises par l’Union européenne et les Etats-Unis à l’égard de l’ancien régime de Bachar Al-assad il y a quatorze ans. Fin mai, un navire a livré 28 000 tonnes de blé d’origine inconnue, souligne Ukragroconsult. D’autres suivront car la Syrie est confrontée à la pire sécheresse des soixante dernières années avec comme perspective un déficit de plus de 2,5 Mt de blé.
Mais depuis l’arrivée au pouvoir Ahmed al-Sharaa, la Russie a quelques soucis à se faire. Les temps changent. Le nouveau chef d’Etat reconsidère les alliances passées entre la Syrie et le Kremlin. Il remet aussi en cause l’exécution de certains contrats, conclus par le passé entre l’ancien régime de Bachar Al-Assad et des négociants russes.
Ahmed al-Sharaa ne souhaite plus que son pays soit complice des exactions du Kremlin en important notamment du blé « russe » de Crimée et des oblasts ukrainiens occupés par la Russie.