Marché des céréales
Une accalmie mais pour combien temps ?
Tout au long du mois d’août, les courtiers ont intégré la dimension géopolitique de la campagne de commercialisation des céréales et les incertitudes qu’elle soulève. La baisse de la production mondiale est concentrée dans l’hémisphère nord où les périodes caniculaires n’en finissent pas d’affecter les cultures de maïs.
Ces quatre dernières semaines les prix des principales céréales ont varié dans un tunnel de prix de 40 € la tonne axé autour d’un prix pivot de 285-290 € la tonne pour l’orge, autour de 330 € pour le blé et 320 € pour le maïs.
Les places de marchés ont intégré la dimension géopolitique de la campagne céréalière commencée le mois dernier. Elles sont entrées dans une phase d’accalmie depuis la signature de l’accord entre la Russie et l’Ukraine portant sur l’ouverture de corridors en Mer Noire.
Mais la reprise du trafic maritime n'a quasiment pas d'impact sur le marché. Selon l’AFP, 600.000 tonnes de produits agricoles ukrainiens, expédiées dans 25 navires, ont transité. Or plus de 20 Mt de céréales et d’oléo-protéagineux restent entreposées dans des silos.
A l’échelle mondiale, les productions des principales céréales sont déficitaires. Selon le CIC, 2 248 Mt de blé, d’orges, de maïs et de sorgho seraient récoltées durant la campagne 2022-2023. Or la consommation serait de 2 273 Mt.
A ce jour, les déficits de production (25 Mt) sont concentrés dans certaines zones de l’hémisphère nord où pour différentes raisons climatiques, conjoncturelles et géopolitiques, les récoltes sont inférieures à leur niveau de l’an passé.
Mais ces déficits atteindront plus 50 Mt si l’Ukraine ne parvient pas à exporter ses céréales (autour de 30 Mt) ou si les agriculteurs préfèrent les stocker, les prix sortie ferme n’incitant pas à les vendre.
Sur le marché ukrainien, les prix des céréales se sont en effet effondrés depuis le début du conflit entre la Russie et l’Ukraine, selon Ukrainagroconsult. Outre le manque de débouchés, s’ajoutent les coûts logistiques exorbitants pour acheminer les grains vers les ports roumains ou par camions vers l’Union européenne. Ces derniers sont supportés par les agriculteurs par des baisses de prix.
Le retour du Canada sur la scène internationale et une meilleure récolte de céréales que l’an passé au Kazakhstan ne suffisent pas pour combler ces déficits. Aucun pays exportateur majeur n’a les moyens de compenser l’absence de l’Ukraine ou l’impact de n’importe quel embargo qui pourrait être décidé unilatéralement dans le bassin de la Mer Noire notamment.
Si depuis le début du mois d’août, les opérateurs sont fixés sur les quantités de blé (778 Mt) et d’orges (145 Mt) récoltées dans le monde, les derniers ajustements notoires opérés par le CIC et l’USDA portent sur la production de maïs. On découvre chaque semaine l’étendue des dégâts causés par le cumul de températures caniculaires et un manque criant de précipitations. L’Union européenne ne produirait que 60 Mt de maïs (- 10 Mt sur un an) et serait obligée d’importer 19 Mt alors qu’un de ses partenaires commerciaux, l’Ukraine, pourrait ne pas être en mesure de lui livrer les grains exportables qu’il dispose. Aux Etats-Unis, seules 365 Mt de maïs seraient aussi engrangées.
A plusieurs reprises, chaque nouvelle prévision du CIC ou de l’USDA a impacté le bilan mondial de la campagne céréalière 2022-2023 en creusant le déficit de production de quelques millions de tonnes.
En Russie, le site Sovecon.ru relate que les agriculteurs rencontrent des difficultés pour commercialiser leurs nouvelles récoltes (jusqu’à 129 Mt de grains selon le CIC) alors que la précédente production n’est pas totalement écoulée. Les agriculteurs seraient victimes d’un engorgement du marché intérieur en raison des capacités de stockages insuffisantes, d’une taxation à l’export pénalisante et de la parité élevée du rouble. Par ailleurs, la Chine restreindrait ses achats car son économie reste affectée par la gestion de la crise de la Covid et la fermeture de pans entiers de certaines de ses activités.
A contrario, la campagne d’exportation européenne de céréales à paille est bien lancée. Plus de 3,1 Mt de blé et 1,6 Mt d’orges seraient déjà expédiées (au 19.08.2022) selon la Commission européenne.
En Afrique, la bonne récolte de sorgho (30 Mt) est grandement appréciée là où la céréale est cultivée. Les quatre millions de tonnes produites en plus réduisent d’autant les besoins de céréales importées particulièrement onéreuses.