Marché des céréales
La hausse des prix des céréales, un mirage ?
Les cours des céréales sont sous l’influence de plusieurs facteurs haussiers en partie soudains. Mais un retournement des marchés n’est pas exclu si l’épidémie de la Covid-19 s’étend.
C’était inimaginable il y a trois mois et pourtant les prix de la tonne de blé et de maïs ont flirté les seuils de 210 € et de 190 € ! Sur les places de marchés de Rouen et de Bordeaux, les cours des principales céréales ont poursuivi leur ascension constatée depuis plusieurs semaines.
En fait, la campagne 2020-2021 semble de plus en plus « normale », sans excès, avec des stocks de report qui paraissent de semaine après semaine, de moins en moins pléthoriques !
Aussi, le moindre facteur d’incertitude géopolitique, économique ou climatique ne peut pas laisser les opérateurs indifférents.
Pour le maïs, la position des fonds non commerciaux ne trompe pas. Elle est nette acheteuse car on se dirige finalement vers une campagne plus équilibrée qu’attendu. Avec une récolte étasunienne confirmée autour de 375 Mt, les stocks de report n’augmenteraient que de 6 Mt, aussi bien aux Etats-Unis qu’à l’échelle des principaux pays exportateurs de maïs.
En Ukraine, les rendements déçoivent au fil de l’avancée des moissons et au Brésil, des incertitudes planent toujours sur les conditions d’implantation de la safrina, la seconde récolte de maïs du pays. Or le La Niňa sévit toujours autant.
Dans le même temps, les agriculteurs brésiliens pourraient être tentés de semer plus de maïs que l’an passé (jusqu’à un million d’hectares en plus) car aux cours actuels, la production de coton n’est actuellement pas rentable. L’industrie mondiale du textile n’est pas au mieux de sa forme depuis l’émergence de la crise sanitaire il y a neuf mois.
Le retour en force de la Covid pourrait du reste ralentir la reprise économique mondiale et affecter, en l’occurrence, la production de bioéthanol aux Etats-Unis. Les opérateurs se détourneraient alors de la céréale et les cours fléchiraient.
Si la Chine renonce à acheter du maïs américain ou ukrainien, l’impact sur les cours et les stocks de report étasuniens serait similaire. Or elle pourrait en importer jusqu’à 20 Mt de grains pour juguler la politique de déstockage massif dans laquelle serait engagée.
En attendant, l’Union européenne restera le premier importateur au monde de maïs (19 Mt selon la Commission européenne) devant le Japon et la Chine.
« Les producteurs européens ne sont pas en mesure de répondre à la demande du marché intérieure alors que la crise sanitaire actuelle a souligné l’importance de leur souveraineté alimentaire », déplore l’association générale des producteurs de maïs (AGPM).
Alors que les trois instances européennes – le Parlement européen, le Conseil européen et la Commission européenne - ont entamé des négociations sur la prochaine Pac 2021-2027 et promeuvent un Green Deal renforçant les exigences environnementales pour produire, « il serait urgent de revoir la politique commerciale de l’Union européenne et de ne pas mettre en concurrence les maïs importés d’Ukraine ou du Brésil qui ne respectent pas le standard européen », défend l’AGPM.
Cette année, la France récolterait 13,6 Mt, selon encore l’AGPM. Le rendement national 2020 est estimée à 89,4 q/ha cette année, équivalent à celui de 2019 (89,3 q/ha) mais cette moyenne masque d’importantes disparités entre les bassins de production, ce qui n’est pas sans poser des problèmes logistiques dans certains centres collecteurs.
« Toutefois la France s’en sort mieux que ses rivaux de la Mer Noire, souligne l’AGPM. Cette situation, ainsi que le contexte mondial, ont conduit à une hausse des prix en Ukraine (principal pays fournisseur de l’UE), ce qui devrait alléger la pression sur les prix des producteurs de l’UE ».
Pour le blé, le climat des affaires n’est pas sans rien dans la montée des cours des céréales au cours des huit derniers jours sur le marché de Rouen. L’Algérie s’apprêterait à acheter 600 000 t de grains essentiellement baltique, polonais voire français.
Attendu, le bulletin Mars de la commission européenne dresse un panorama climatique en Russie et au Kazakhstan alors que se joue en ce moment une partie de leur prochaine récolte de blé en 2021.
En Russie européenne, le déficit hydrique observé dans les districts sud, nord-caucasien et la moitié sud du district du centre est le plus élevé jamais relevé.
Le Kazakhstan sort aussi d’un été sec et chaud. Dans les régions agricoles du sud
(Almatinskaya, Jambylskaya, Turkestan, Kyzylordinskaya oblasts), les précipitations estivales étaient bien inférieures à la moyenne.
En attendant, la Russie achève ses moissons de blé en engrangeant jusqu’à 87 Mt selon diverses sources locales, démentant de nouveau les prévisions de CIC (81,5 Mt) et de l’USDA (83 Mt).
Selon toujours le bulletin Mars, le pays doit cette performance à des rendements en nette progression : + 9,5 % pour le blé d’hiver (3,72 t/ha) et + 6,4 % par rapport à la moyenne quinquennale pour le blé de printemps (1,79 t/ha).
Dans le sillage du blé, les rendements en orges d’hiver et de printemps ont aussi progressé pour atteindre respectivement 4,2 t/ha et 2 42 t/ha. Ces bons résultats ont permis d’engranger 20,6 Mt d’orges (19,39 Mt l’an passé et 16,7 Mt en 2018-2019).
Au Kazakhstan, où 12,5 Mt de blé ont été récoltes, les cultures de blé d’hiver ont été relativement épargnées par la sécheresse. Les rendements moyens (1,91 t/ha) sont dans la moyenne. A contrario, les blés de printemps ont souffert. Les rendements (1,05 t/ha) demeurent inférieurs de 8,1 % à la moyenne des cinq dernières années. Et le déficit hydrique n’est pas près d’être résorbé dans les dix prochains jours car le temps sera sec et automnal avec seulement quelques goutes de pluie le week-end prochain.