Marché des céréales
Prix des grains : des ajustements attendus
L’offre mondiale de blé et de maïs est amenée à se tasser au cours de la seconde partie de la campagne. Les mauvaises conditions climatiques altèrent d’ores et déjà le potentiel de récolte des céréales d’hiver implantées en France.
Depuis la rentrée, les cours des céréales sur le marché de Rouen sont inférieurs à leurs niveaux de 2021-2022. Mais leur baisse entamée depuis un an s’est atténuée au fil du temps. Ces quatre dernières semaines, ils ont même stagné.
Sur le marché du blé, la Russie oblige ses concurrents européens, et la France notamment, à s’aligner sur ses prix concurrentiels. Elle vient de remporter l’appel d’offre lancé par l’Algérie. En jeu, 900 000 tonnes de blé. Pour autant, les agriculteurs russes ne s’en satisfont pas. Les prix de vente sortie ferme sont très insuffisants, autour de 130 € la tonne selon Sovecon.ru.
Sur le marché européen du maïs, le cours est passé sous la barre de 190 € à la fin du mois de novembre avant de se stabiliser au même niveau que le mois passé autour de 192 €.
L’abondante production mondiale de maïs (1 222 millions de tonnes ; + 65 Mt sur un an) pèse sur l’ensemble des prix des céréales secondaires. Or elle est en même temps la seule à être excédentaire. Les autres céréales à paille, y compris le riz, sont déficitaires.
Ukraine toujours indispensable
Bon marché, le maïs ouvre l’appétit des pays importateurs. Ils ambitionnent d’acheter jusqu’à 20 Mt de maïs de plus que l’an passé. Par exemple, la Chine produira 277 Mt comme l’an passé et pourtant, elle prévoit d’en importer 23 Mt, soit 5 Mt de plus que l’an passé. L’Empire du milieu n’a pas l’intention de puiser dans ses stocks (202 Mt, - 4 Mt sur un an) pour transformer et consommer les 303 Mt de grain nécessaires pour relancer ses filières animales.
Même affaiblie, l’Ukraine (21 Mt de maïs exportables) contribue à l’équilibre retrouvé des marchés des grains. Sans sa production de maïs, la planète serait déficitaire.
Selon Ukrain Agro Consult (UAC), « environ 4 Mt de céréales par mois sont expédiées via les ports de la mer Noire. En ajoutant le trafic routier et ferroviaire (environ 2 Mt), 5-6 Mt de grains ont été exportées».
Les prix des grains se redresseront durablement à partir du mois de janvier prochain, lorsque les opérateurs prendront conscience que l’offre mondiale de céréales faiblira.
Seconde partie de la campagne 2023-2024
L’Australie ne produirait que 25,5 Mt de blé et 5,5 Mt d’orges, soit 17 Mt de grains de moins que l’an passé. Elle n’exportera que 22 Mt de blé (-10 Mt sur un an).
En Amérique du Sud, les prévisions de l’USDA semblent optimistes. Au Brésil, la superficie de la Safrina, la seconde culture de maïs de la campagne 2023-2024, pourrait être inférieure de 10 %, de 20 % voire 50 % à celle de l’an passé selon UAC car le soja sera moissonné tardivement.
Les agriculteurs pourraient aussi réduire les doses d’engrais habituellement épandues. Les intrants sont trop chers à l’achat.
L’USDA a d’ores et déjà anticipé une baisse de la production brésilienne de maïs de 8 Mt par rapport à l’an passé.
Un potentiel de récolte entamé
Dans l’hémisphère nord, quelques indices laissent penser que le potentiel de récolte des céréales d’hiver, qui seront moissonnées en 2024, est déjà entamé.
Les conditions climatiques n’ont pas été favorables à l’implantation de céréales d’hiver.
En France, l’Institut Agreste mentionne que les surfaces des céréales d’hiver implantées pour la récolte 2024 baisseraient de 5,1 % par rapport à l’an passé pour atteindre 6 395 milles hectares. La superficie du blé dur diminuerait même de 10,5 % pour atteindre 205 000 ha. Elle serait la plus faible des six dernières années.
Par ailleurs, les conditions de cultures ne rassurent pas. 77 % sont bonnes à très bonnes, soit 22 points de moins que l’an passé à la même époque.
Au printemps prochain davantage de cultures de printemps seraient implantées et notamment du maïs.
En Russie, le potentiel de production du blé est d’ores et déjà inférieur à la production de l’été passé (91,5 Mt), selon Sovecon.ru.
Les agriculteurs russes vendant mal leurs grains (prix sorte ferme de 130 € fin novembre), ils épandraient moins d’intrants pour limiter leurs frais de campagne. Or l’hiver a à peine commencé.
Mais durant la prochaine campagne 2024-2025, la Russie pourrait de nouveau proposer à l’export 50 Mt de blé et peser sur les cours mondiaux. Ses stocks de report seront élevés.
En Ukraine, les agriculteurs rencontrent des difficultés pour acheter les intrants nécessaires pour leurs cultures. Les sucreries approchent les céréaliers pour implanter plus de betteraves aux dépens de la culture de céréales.
Aux Etats-Unis, UAC laisse entendre que les farmers seraient d’ores et déjà tentés de semer du soja au détriment du maïs, peu rentable. Le prix de la tonne de maïs a fortement baissé alors que celui du soja est resté stable.