
Plusieurs milliards d’euros de valeur économique en jeu pour les filières agricoles européennes
A quelques jours de la visite officielle du président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva en France et à l’approche d’échéances décisives à Bruxelles, les quatre grandes filières agricoles françaises - INTERBEV (l’Interprofession Elevage et Viande), ANVOL (l’Interprofession de la volaille de chair), AIBS (l’Association Interprofessionnelle de la Betterave et du Sucre) et INTERCÉRÉALES (l’Interprofession de la filière céréalière française), avec le soutien de plusieurs parlementaires, réaffirment depuis l’Assemblée nationale leur opposition résolue à l’accord UE-Mercosur. Face à ceux qui en minimisent les conséquences économiques, elles appellent solennellement la France à adopter une position claire et ferme : dire non à la ratification de cet accord dangereux pour l’avenir de l’agriculture européenne et pour sa sécurité alimentaire.
Les filières agricoles refusent d’être sacrifiées sur l’autel de la guerre commerciale
Dans un contexte géopolitique instable, marqué par des tensions croissantes entre l’Union européenne et les Etats-Unis, la Commission européenne entend accélérer la ratification de l’accord UE-Mercosur, présenté comme un levier de stabilisation diplomatique.
Cependant, cet accord dépasse largement le cadre commercial. Il pose des questions majeures de souveraineté agricole, de justice économique pour les producteurs européens et de cohérence politique face aux engagements climatiques et sociaux de l’Union européenne.
Une exposition économique massive de l’agriculture européenne
Les filières agricoles françaises tirent la sonnette d’alarme sur le coût économique sans précédent qu’impliquerait la ratification de l’accord. Les contingents supplémentaires prévus représenteraient une valeur agricole exposée d’au moins 2,87 milliards d’euros pour les seuls secteurs de la viande bovine, de la volaille et du maïs. Ce chiffrage est loin de prendre en compte l’intégralité des conséquences, notamment indirectes, pour nos filières. D’autant plus que ce sont des produits à forte valeur ajoutée qui sont visés en priorité par les exportateurs sud-américains – aloyaux de boeufs, filets de volaille, produits céréaliers dont ceux issus de l'amidonnerie et de la maïserie. Pour la filière sucre-éthanol, les volumes concernés sont très significatifs : 190 000 tonnes de sucre soit l’équivalent d’une sucrerie française et 8,2 millions d’hectolitres d’éthanol, soit 12 % de la production européenne et l’équivalent de la production française d’alcool à partir de ses betteraves. Ces 2 concessions cumulées accordées par l'UE représentent la production de 50 000 ha, soit 1/8 des surfaces françaises de betteraves.
La France serait le grand perdant de l’accord du fait de sa position de 1er producteur européen d’alcool et de 1er exportateur de sucre vers les pays d’Europe du Sud.
Cette orientation stratégique n’est pas anodine : elle fragilise directement la rentabilité des exploitations agricoles européennes, la compétitivité des filières, et le tissu industriel agroalimentaire dans les territoires.
Les filières rappellent également que ces produits importés bénéficient de conditions de production très éloignées des standards européens : utilisation de substances actives interdites, recours aux OGM, absence de traçabilité, différences de normes sociales ou environnementales. Ces écarts structurels de compétitivité creusent un déséquilibre déjà préoccupant et font courir un risque avéré pour la sécurité alimentaire de l’Europe.
Ces préoccupations sont partagées par l’économiste Thierry Pouch, qui, dans son analyse économique, a rappelé que l’accord UE–Mercosur soulève de vives inquiétudes pour l’agriculture européenne, notamment l’élevage, en raison de l’ouverture accrue du marché à des produits agroalimentaires moins coûteux, provenant de pays aux standards et coûts de production très différents, dans un contexte géopolitique et environnemental complexe qui bouleverse les équilibres internationaux.
La France doit réaffirmer sans ambiguïté son opposition à la ratification de l’accord UE-Mercosur
Tant que l’accord UE-Mercosur conserve son statut d’accord mixte, la France dispose toujours de la capacité juridique de s’y opposer. Les filières appellent donc le gouvernement à faire valoir ce droit de refus, en cohérence avec la position constante affichée depuis 2019.
Stéphane Travert, député de la Manche et ancien ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, a affirmé : « L’opposition de la France à l’accord Mercosur est aujourd’hui partagée, solide et transpartisane. Le compromis est clair : pas de ratification. Cet accord ne répond plus aux exigences économiques, sociales et environnementales que l’on est en droit d’attendre d’un accord commercial. L’unanimité autour de la table renforce notre position pour exiger des clauses miroirs. Face à la montée du populisme en Europe, il ne faut pas céder à la tentation du repli : soutenir nos filières, c’est défendre un modèle agricole exigeant et durable. »


Claire Rogel-Gaillard promue Officier de l’Ordre National du Mérite
Claire Rogel-Gaillard, directrice de recherche à INRAE, a été promue Officier de l’Ordre National du Mérite. La médaille lui a été remise le 31 mars 2025 au siège d’INRAE par Sylvie Retailleau, ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, en présence de Philippe Mauguin, président-directeur général d’INRAE.
Cette distinction récompense une carrière scientifique remarquable dans le domaine de la génétique animale et de l’immunogénétique, ainsi qu’un engagement fort en faveur de la recherche interdisciplinaire et de la structuration des communautés scientifiques.
Une carrière dédiée à la recherche et à l’innovation
Ingénieure agronome diplômée d’AgroParisTech en 1984, Claire Rogel-Gaillard obtient son doctorat en 1992, après une thèse à l’Institut Pasteur sur les papillomavirus humains. Elle est aujourd’hui directrice scientifique adjointe Agriculture à INRAE et directrice adjointe Recherche de la Graduate School Biosphera de l’Université Paris-Saclay.
Ses travaux de recherche portent sur la génétique et la génomique animale, avec une spécialisation en immunogénétique. Elle a notamment participé aux consortiums internationaux de séquençage du génome du porc et du lapin et a coordonné la construction du premier catalogue de gènes du microbiome intestinal du porc.
Un engagement fort pour la structuration de la recherche
Au-delà de ses activités de recherche, Claire Rogel-Gaillard s’investit dans la structuration de la recherche scientifique. Elle a dirigé l’Unité mixte de recherche INRAE-AgroParisTech Génétique Animale et Biologie Intégrative (GABI) de 2013 à 2020, et a lancé puis coordonné pendant six ans le réseau interdisciplinaire Sciences Animales Paris-Saclay (SAPS).
Elle pilote actuellement pour INRAE le programme national de recherche « Agroécologie et Numérique : données, agroéquipements et ressources génétiques au service de la transition agroécologique et de l’adaptation aux aléas climatiques », financé par France 2030 et co-porté avec l’Inria. Elle co-préside depuis fin 2024 le groupe européen SCAR (Standing Committee on Agricultural Research) sur l’agroécologie.
Cette promotion au grade d’Officier de l’Ordre National du Mérite vient saluer l’ensemble de son parcours et son engagement au service de la recherche scientifique et de l’innovation.

Les effets bénéfiques des légumineuses pour des pratiques agricoles durables
Terres Inovia a partagé les résultats de travaux dans le cadre du projet européen Climate Farm Demo, confirmant les atouts des légumineuses pour des pratiques agricoles durables. Un webinaire à destination des conseillers techniques a même été organisé le 30 avril dernier.
Lancé en 2022, Climate Farm Demo est un projet européen visant à accélérer l'adoption de pratiques agricoles vertueuses pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Coordonné par l’Idele, il réunit 81 partenaires (dont Terres Inovia) dans 28 pays.
Dans le cadre de ce projet, un webinaire destiné aux conseillers techniques a été organisé, le 30 avril dernier, pour mettre en avant les effets bénéfiques des légumineuses pour des pratiques agricoles durables. Objectif : accompagner la transition climatique des agriculteurs européens, en particulier les 1500 producteurs qui sont partenaire du projet.

Ces résultats portent principalement sur les effets bénéfiques des légumineuses en matière de fixation de l’azote, d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et de rendement des cultures suivantes. Ils sont issus d’essais réalisés par Terres Inovia, Arvalis,l’INRAE et l’ADAS.
Une fixation symbiotique de l’azote par les légumineuses
Ces cultures permettent une fixation symbiotique de l’azote et peuvent donc être cultivées sans qu’il soit nécessaire de recourir aux engrais azotés. Selon les espèces de légumineuses, la fixation représente de 40 à 90% de l’azote présent dans ces cultures.
Une réduction des gaz à effet de serre (GES)
Les cultures de légumineuses émettent 70 à 80 % en moins de GES que les cultures à fort intrant azoté (blé, maïs, colza). L’empreinte carbone moyenne est inférieure à 1000 kg éqCO₂/ha par exemple pour le pois, la féverole et le soja. Les émissions de GES sont également réduites sur la culture suivante grâce à la baisse des apports d'engrais (-230 kg éqCO₂/ha pour un blé suivant pois par exemple).
- Les effets positifs sur le rendement des cultures suivantesEn agriculture conventionnelle
Le blé après une légumineuse augmente son rendement de +0,3 à +1,2 t/ha comparé à un blé après céréale. Les pratiques de fertilisation sont peu différenciées entre les précédents culturaux alors qu’il y a un potentiel de réduction de la dose d’engrais après une culture légumineuse.
- En agriculture biologique
Le gain de rendement est de +1,0 à +2,2 t/ha.
En résumé
Les résultats présentés dans le cadre du projet Climate Farm Demo confirment que l’intégration de légumineuses dans les rotations culturales :
- Réduit fortement les émissions de GES (directes et indirectes)
- Améliore le rendement des cultures suivantes
- Diminue les besoins en fertilisation azotée
- Participe à une meilleure durabilité agronomique des systèmes de culture.
La communauté semencière mondiale face aux enjeux d’avenir
L’édition 2025 du congrès mondial des semences, organisé par la Fédération Internationale des Semences (ISF) s’est tenu à Istanbul, du 19 au 21 mai. Plus de 1 900 participants venus de plus de 80 pays ont pris part à ce rendez-vous incontournable de la profession, placé cette année sous le thème ambitieux : « Discovering Bold Horizons » (« À la découverte d’horizons audacieux »).
Parmi les sujets majeurs cette année figure l’impact des troubles mondiaux actuels sur les politiques et accords commerciaux, qui pourraient perturber la circulation et l’approvisionnement international en semences, mettant en danger la sécurité alimentaire mondiale face aux défis croissants du changement climatique et des conflits géopolitiques.
Préserver la libre circulation des semences : un enjeu vital
Le commerce international des semences, pilier de la diversité génétique et de la résilience agricole mondiale, fait aujourd’hui face à des menaces concrètes : fragmentation réglementaire, complexification des procédures douanières, instabilité des accords multilatéraux.
Arthur Santosh Attavar, président de l’ISF, l’a rappelé avec force :
« Le secteur semencier est intrinsèquement mondial. Il repose sur la libre circulation des semences. Aujourd’hui, les barrières commerciales comme les droits de douane représentent un défi majeur pour toutes les entreprises semencières, dans un paysage réglementaire déjà très fragmenté. »
L’innovation variétale au service d’une agriculture durable
Les nouvelles techniques de sélection (NBTs) ont été largement débattues. Ces outils sont essentiels pour mettre sur le marché des variétés plus résilientes face aux aléas climatiques et aux enjeux de durabilité.
Michael Keller, secrétaire général de l’ISF, a souligné la complexité croissante des conditions de mise en marché :
« Les entreprises doivent composer chaque jour avec des réglementations phytosanitaires, des normes sur l’innovation génétique comme l’édition du génome, et des règles sur la propriété intellectuelle. À cela s’ajoute l’incertitude liée aux discussions tarifaires, qui complique les décisions d’investissement. »
Découvrez toutes les sessions sur Channel World Seed.
La prochaine édition du congrès aura lieu du 18 au 20 mai 2026 à Lisbonne, au Portugal. Elle est déjà attendue comme un moment stratégique pour poursuivre les efforts de coopération internationale et construire, collectivement, l’agriculture de demain.