Marché des céréales
La hausse des prix des céréales, un mirage ?
En milieu de semaine, les cours des céréales ont perdu le terrain gagné les jours précédents aussi bien sur les marchés physiques que sur les marchés à termes. L’extension des mesures de confinement rendent de nouveau l’avenir incertain.
Aussi modeste soit-elle (- 3€/t à Creil), la baisse du prix de l’orge brassicole symbolise la nouvelle période d’incertitudes et les répercussions économiques qu’entraine l’extension des mesures de confinement en France et dans de nombreux pays européens. L’activité des bars et des pubs va être réduite à néant pendant des semaines. Or l’Hexagone exporte l’équivalent 1,4 million de tonnes de malt (Mt) produit à partir d’orge brassicole.
L’ensemble des cours des céréales s’est replié en milieu de semaine.
Aussi leur hausse observée la semaine dernière n’aura été qu’un mirage ! Le prix de la tonne de blé avait alors effleuré à Rouen le seuil de 210 € à la fin de la semaine passée avant d’entamer une baisse lente puis brutale. Le 30 octobre, la tonne blé valait ainsi 201 €.
Le cours de la tonne d’orge fourragère a perdu 7 € en une semaine tandis que celui du maïs retrouvait hier son niveau du 23 octobre dernier après avoir gagné quelques euros. Puis le cours a de nouveau perdu 5 € car le prix du baril du pétrole, en nette baisse, a atteint 35,5 dollars à New York.
Les raisons à ces reflux sont en partie communes à toutes les céréales et en partie, spécifiques à chacune d’elles.
Les premières ont trait aux mesures de confinement généralisées dans tous les pays.
Les opérateurs redoutent ainsi une diminution de la consommation européenne et mondiale de blé destinée à l’alimentation humaine et animale.
Par ailleurs, les conditions de cultures se sont améliorées dans le bassin de la mer Noire et aux Etats-Unis. Les déficits hydriques évoqués depuis des semaines se résorbent peu à peu. Mais il reste à savoir si les pieds de blé seront suffisamment vigoureux pour supporter le froid hivernal.
Enfin, les opérateurs se sont désengagés sur les marchés à termes, ce qui a alimenté la baisse des cours. Les élections américaines pèsent sur le climat des affaires.
Mais les déboires climatiques en Argentine conduisent de nouveau le Conseil international des céréales à revoir leurs prévisions de récolte en baisse (18 Mt ; -1 Mt sur un mois). Une production limitée de 16,8 Mt n’est pas exclue, selon d’autres sources d’information. En Australie (28,5 Mt), le CIC confirme l’estimation établie le mois dernier mais les récentes précipitations ont altéré, dans certaines régions, la qualité des grains.
Autrement dit, les pays de l’hémisphère sud pourraient donc être moins agressifs sur les marchés du blé au cours de la seconde partie de la campagne céréalière. Mais cette crainte n’a pour l’instant aucun impact sur les prix.
Pour l’orge fourragère, la situation est quelque peu différente. Le repli des cours est contenu car la céréale est particulièrement convoitée par les fabricants d’aliments qui la préfèrent au blé. Or les marchés ne croulent pas sous l’abondance. Autant de grains seront produits (157 Mt – source CIC) et consommés (152 Mt) dans le monde que la campagne passée. Mais cette année, la production est inégalement répartie.
Dans l’Union européenne (53,3 Mt selon la Commission européenne) et en France en particulier (8,9 Mt), la récolte collectée est limitée alors que la demande ne tarit pas.
A la mi-octobre, notre pays a déjà exporté 1,2 Mt d’orges vers les pays tiers, notamment vers la Chine. Au sein de l’Union européenne, la France a vendu dans le même temps 447 000 tonnes, essentiellement à la Belgique et aux Pays Bas. Or ses capacités d’exportations sont elles aussi réduites à 5,7 Mt, soit 2,1 Mt de moins que l’an passé. Et au niveau mondial, peu de pays sont en mesure de prendre le relais.
Par ailleurs, les échanges commerciaux sont influencés par les tensions géopolitiques entre la Chine et l’Australie, conduisant artificiellement à la raréfaction de l’offre exportable vers l’ex-empire du milieu.
Quant au cours du maïs, le repli de 5 € en 24 heures traduit, comme pour le blé, le vent de pessimisme qui s’abat sur l’économie mondiale. Moins de maïs pourrait être transformé en bioéthanol aux Etats-Unis.
Or la production mondiale de cette céréale est déficitaire de 18 Mt, d’après le dernier rapport du CIC. La récolte étasunienne (373 Mt) a encore été révisée en baisse (-3 Mt sur un mois). Et l’organisation n’a pas encore intégré les 20 Mt de grains que la Chine est susceptible d’importer, selon certains experts.
En début de semaine, le cours du maïs avait fait de la résistance à Bordeaux car le marché européen, et la France en particulier, n’ont pas à redouter la concurrence ukrainienne, roumaine et bulgare comme les autres années. En ayant récolté 12,7Mt de grains, notre pays dispose d’une force de frappe à l’export sur le marché européen plus importante qu’en 2019-2020. Par ailleurs, la céréale est appréciée par les industriels de l’alimentation (3,2 Mt seront utilisées, +0,4 Mt sur un an).
L’enjeu du Brexit
Jusqu’au 31 décembre prochain, la sortie du Royaume uni de l’Union européenne n’entrave pas les échanges commerciaux. La France a déjà expédié d’importantes quantités de maïs.
L’an prochain, il en sera tout autrement, quelle que soit l’issue des négociations portant sur les prochaines relations commerciales entre l’Union européenne et le Royaume uni.
Pour la France, l’enjeu commercial en matière de céréales majeur porte essentiellement sur les exportations de maïs. Le Royaume uni en avait acheté 260 000 tonnes la campagne passée.
Or ce dernier n’hésitera pas à importer, depuis des pays non membres de l’Union européenne à laquelle il ne sera plus lié institutionnellement, le blé et le maïs qu’il n’est pas en mesure de produire.
En 2018-2019, le Royaume uni avait déjà acheté 657 000 t de blé et 1,9 Mt de maïs. Un an auparavant, 920 000 t de maïs avaient été importées.