Marché des céréales
La Niňa, l’imposteur de la campagne céréalière
Depuis la fin de l’été, retour de la Niňa dans l’hémisphère sud. L’Argentine pourrait ne produire que 16,5 Mt de blé cet hiver. Le Brésil, premier pays importateur de blé argentin se voit contraint de diversifier ses approvisionnements en achetant du blé australien, américain et russe.
Sur le marché à terme Euronext, le prix de la tonne de blé échéance décembre 2020 a franchi le seuil de 200 € le 8 octobre 2020. A Rouen, le cours a augmenté de 7 € en une semaine et de 20 € en deux mois-et-demi sans avoir encore franchi ce seuil symbolique.
Les conditions climatiques très sèches en Russie et en Amérique du sud inquiètent. Elles tendent le marché du blé. Les cours de la tonne d’orge fourragère et de maïs ayant moins progressé, leur décote est dorénavant de 21 € et 24 € par tonne.
Le bulletin européen Mars JRC attendu dans les prochains jours fera le point sur les conditions météorologiques qui règnent en Russie et au Kazakhstan, en cette période de semis.
Dans l’hémisphère sud, la Niňa sévirait jusqu’au mois de janvier prochain. Ses répercussions météorologiques sont ressenties jusqu’en Amérique du nord. De nombreux incendies ravagent les forêts au Paraguay.
En Argentine, la baisse de la production de blé paraît inévitable selon France Export Céréales. L’organisme n’exclut pas une récolte de 16,5 Mt de grains au début de l’hiver, soit 4-5 Mt de moins que le potentiel de production estimé sur la base des surfaces implantées pendant la période des semis au printemps dernier.
Cette baisse de production combinée au cours du dollar américain avantageux pourrait affecter l’approvisionnement du marché argentin car les ventes à l’export seraient privilégiées. Or dans le même temps, la volatilité du péso argentin effraie les meuniers argentins : ils achètent le blé en dollars et ils revendent la farine en pésos !
En attendant, moins de blé récolté produit en Argentine, c’est moins de blé exportable au Brésil notamment, premier pays destinataire. L’Australie, les Etats Unis et même la Russie ont déjà pris le relais de l’Argentine en y intensifiant au Brésil leurs ventes.
Au mois d’août dernier, seule la moitié de blé importé par ce dernier était argentin. Or durant la campagne passée, 83 % des 6,7 Mt de blé importées étaient d’origine Argentine.
Le Brésil compte aussi sur sa production pour approvisionner son marché intérieur en croissance continue. 6,6 Mt de grains pourraient être récoltées (+1,4Mt sur un an).
A l’avenir, l’Argentine cultivera du blé OGM résistant à la sécheresse qu’elle espère pouvoir exporter au Brésil et aux autres pays importateurs de blé argentin. La Niňa aurait ainsi moins d’impacts.
Dans l’hémisphère nord, la campagne d’exportation de la Russie pourrait être plus compliquée que prévu car les 81 Mt de blé engrangées (on parle même de 87 Mt) sont inégalement réparties sur le territoire. Davantage de grains ont été produits dans les régions du Centre et de la Volga, éloignées des ports que l’an passé.
Les coûts d’acheminement seraient alors plus onéreux alors que tous les terminaux de la Mer Noire envisagent « d’augmenter leurs tarifs fobbing d’environ 3 $ la tonne, dans les prochaines semaines, assure France Export Céréales. Également, l’interdiction des surpoids de camions céréaliers qui s’applique à partir du 15 septembre entrainera une augmentation des coûts logistiques pré-export d’environ 6 à 9 $ la tonne ».
La hausse des prix du blé n’est pas une bonne nouvelle pour les pays maghrébins. A Novorossiysk, la tonne de blé (12,5 % de protéines) et celle du blé ukrainien (11,5 % de protéines) ont allègrement franchi le seuil de 200 €.
Or l’Algérie allonge la liste des pays approvisionnés par la Russie. La France lui vendrait entre 1,5 à 2,5 Mt de blé durant la campagne alors que l’Algérie doit importer 7,1 Mt, selon le Conseil international des céréales.
Les années passées, 50 % à 80 % des quantités de blé importées par le pays était françaises et jusqu’à la moitié du blé vendu par la France vers les pays tiers était expédiée en Algérie.
Aussi, ce que l’on avait annoncé les semaines passées se concrétise. « L’Office algérien interprofessionnel des Céréales (OAIC), est en train de modifier les spécifications pour l’importation de blé, de telle façon que le blé russe puisse participer aux soumissions, en augmentant le pourcentage de grains cassés autorisé et en diminuant le taux brut de protéines », explique France export céréales.
Le Maroc, en pleine crise économique et sanitaire, diversifie aussi ses approvisionnements. En août, il a acheté du blé dur canadien, du maïs argentin et brésilien et, de l’orge danoise, bulgare et roumaine, selon France Export Céréales. Avec une récolte de blé de 3,3 Mt, en baisse de 40 %, le royaume chérifien a levé ses droits de douane pour faciliter les importations de blé estimées à 3 Mt.
La Chine importera 7 Mt de maïs
L’ex-empire du milieu réduit chaque année ses stocks de maïs de 10 Mt à 15 Mt et pourtant il importe toujours plus de grains (7 Mt en 2020-2021). En fait, les opérateurs affutent leurs stratégies d’achat en fonction de l’évolution du prix du maïs payé aux paysans chinois, des cours mondiaux et du tarif douanier appliqué aux importations. Ce dernier est de 1 % jusqu’à 7,2 Mt de maïs importées et de 65 % au-delà.
Aussi, dès que le prix mondial du maïs est avantageux, même s’il est taxé à 65 %, davantage de grains sont importés. Mais les récentes augmentations des prix mondiaux conduisent les opérateurs à se tourner vers le marché intérieur.