
Marché des céréales
Risques agricoles : la géopolitique détrône le climat
En France, les conditions climatiques guideront au printemps prochain les derniers arbitrages en matière d’assolement. Plus d’orges et de maïs seront notamment semé. Mais sur les marchés, la géopolitique est de plus en plus redoutée que le climat.
La 64ème édition de la Bourse de commerce européenne (Bce) se déroulera à Paris les 5 et 6 décembre prochains dans la nef du Grand Palais. 4 000 participants et 120 exposants s’y retrouveront pour débattre des perspectives de marché de l’année. Agro Paris Bourse, présidée par Baudouin Delforge, organisera cet événement prestigieux.
Lors de l’Argus Agritel Paris Grain Conférence (AAPGC), les 25 et 26 janvier derniers, Arthur Portier, consultant sénior à Agritel, a dévoilé ses projections pour 2024. Selon lui, la France produirait à peine 30 Mt de blé l’été prochain sur les 4,2 millions d’hectares emblavés. Stratégies grains estime à 123 Mt la production potentielle de blé en Union européenne.
A ce jour, ces projections n’ont aucune incidence sur les cours des grains.
Sur les 500-600 000 hectares qui n’ont été emblavés l’automne passé en France, les céréaliers sèmeront de l’orge de printemps, du maïs voire des pommes de terre ou des betteraves sucrières.
Relancer la production de maïs
La faiblesse des cours du maïs (moins de 180 € la tonnes à Bordeaux) ne décourage pas les planteurs de l’AGPM, l’association générale des planteurs de maïs. Son président Franck Laborde souhaite que la France produise 4-5 Mt de plus de maïs qu’actuellement au cours des prochaines années en en cultivant 500 000 hectares supplémentaires.
Ces 5 Mt de grains disponibles sur le marché européen réduiraient d’autant les importations de grains des Vingt-sept en provenance de pays tiers (jusqu’à 20 Mt). L’Italie, l’Espagne ou encore l’Allemagne et les Pays Bas sont structurellement déficitaires en maïs.
Grâce à la France, l’Union européenne gagnerait quelques points de souveraineté et elle serait surtout moins dépendante de certains pays exportateurs, pas toujours très stables institutionnellement (Ukraine, Brésil).
De plus, les normes de production en vigueur sont régulièrement dénoncées. Elles sont sources de distorsions.
Produire plus de maïs en France relancerait aussi la filière bioéthanol française. Les biocarburants de « deuxième génération » ne sont toujours pas prêts à prendre la relève.
Des prix toujours aussi faibles
La fin de campagne de commercialisation 2023-2024 s’annonce quelque peu paradoxale. Les principaux pays exportateurs de blé de la planète l’achèveront avec des stocks très tendus (60Mt), équivalents à 15 % de la consommation des principaux exportateurs.
Le Conseil international des céréales (CIC) projette toujours une production mondiale d’orges de 146 Mt, inférieure de 7 Mt par rapport à 2022-2023. Les stocks de fin de campagne seraient inférieurs à leurs niveaux du moins de juin 2022.
Mais la rareté de paie pas. L’évolution des cotations de l’orge est liée à celle du maïs, devenu très compétitif. Les prix du blé suivent la même trajectoire. Aux achats, les pays importateurs revoient leurs positions.
La Chine et l’Arabie saoudite n’animent plus les échanges commerciaux de l’orge comme par le passé. En 2021-2022, elles en avaient importé 19 Mt. Cette campagne-ci, leurs achats n’excèderaient pas 13 Mt.
La production mondiale record de maïs (941Mt hors Chine) permettra aux principaux pays exportateurs d’achever leur campagne avec des stocks plus élevés que les années passées (environ 82 Mt).
Les risques hiérarchisés
Les crises climatiques ne relèvent plus de l’exceptionnel. Le retour de l’El Nino en Australie a été anticipé par les opérateurs.
Imprévisible, la géopolitique est davantage redoutée que le climat. Dans le golfe d’Aden, les attaques des cargos par les Houthistes rendent l’accès à la Mer Rouge dangereux. Le déroutage des navires par le Cap de Bonne espérance rallonge des délais de transport des grains et des marchandises.
En Russie, la stratégie très offensive en matière de prix, menée aux dépens des fondamentaux pour exporter 22 Mt de blé d’ici la fin du mois de juin, tire les cours du blé vers le bas dans toute l’Union européenne. Or le pays n’a pas le monopole du marché mondial du blé.
Sur les places de marché, les opérateurs redoutent cette année le retour de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, les résultats des élections européennes ou l’émergence d’un nouveau conflit au Venezuela.
Lors de la nouvelle édition de l’Argus Agritel Paris Grain Conférence (AAPGC), les experts des marchés du pétrole et gaz ont déclaré que le prix du baril de pétrole se stabiliserait autour de 80-85 dollars. L’Arabie produit beaucoup d’hydrocarburants alors que la demande mondiale est atone. Dans les prochains mois, une quantité massive de pétrole sera mise sur le marché quand les forages au Canada, aux Etats-Unis et en Amérique du sud seront en état de produire. Jusqu’à 280 milliards de M3 de gaz seront aussi injectée d’ci 2028.