
Marché des céréales
Coup de froid sur les marchés céréaliers européens
Après avoir été dicté par un contexte géopolitique, ce sont des questions macroéconomiques qui orientent les marchés européens et les impactent significativement. En effet, cette semaine les marchés étaient tournés vers les décisions de la Fed et de la BCE quant à l’augmentation de leur taux. La Fed a initié le mouvement en relevant ses taux de 50 points de base, entraînant de nouveau une progression de l’euro face au dollar. La décision de la BCE de relever également ses taux de 50 points n’a pas permis d’endiguer la progression de la parité €/$, impactant la compétitivité des origines européennes dont les cours sont orientés à la baisse sur une semaine.
La fin de semaine dernière a été marquée par la parution du dernier rapport USDA de 2022. Sans grande surprise, ce rapport a posé des données chiffrées sur ce que le marché pressentait depuis plusieurs semaines.
En blé, le rapport est venu confirmer la baisse de production de 3 millions de tonnes (Mt) de l’Argentine impactée par la sécheresse. La Bourse des grains de Rosario a appuyé ces chiffres en annonçant hier une estimation de production à 11,5 Mt (contre 22,2 Mt l’an passé).
Le Canada a également vu sa production en baisse afin de refléter les chiffres finaux de Statistique Canada. Elle fléchit de 35 Mt à 33,8 Mt.
Seule l’Australie voit ses estimations de production réévaluées à la hausse à hauteur de 2,1 Mt, ce qui ne permet pas de rattraper l’estimation de production mondiale de blé pour la campagne 2022/23 qui est estimée en baisse de 2,09 Mt à 780,59 Mt.
Ce rapport fait annonce d’une hausse des exportations de 1 Mt pour la Russie et l’Europe.
Le blé européen présente une forte dynamique d’exportation avec 15,38 Mt exportées au 11 décembre (chiffres de la Commission Européenne) contre 14,51 Mt l’an dernier à la même date. Et la France n’est pas en reste avec près de 6,5 Mt exportées. Mais les blés européens font face à une concurrence accrue venue de la mer Noire et malgré une baisse des cours sur Euronext, la Russie reste l’une des origines les plus compétitives de cette fin d’année. Il suffit de regarder les ventes de la semaine pour s’en rendre compte avec par exemple la vente à l’Egypte d’environ 260 000 t de blé russe.
La seule surprise de ce rapport USDA vient du chiffre des exportations ukrainiennes qui est revu à la hausse, à hauteur de 1,5 Mt, à la suite du renouvellement de l’accord sur les corridors. Ce rapport a été publié avant les récents bombardements dans les zones portuaires et notamment sur Odessa. L’absence d’électricité a impacté les travaux dans les ports et par conséquent les exportations qui n’ont cependant pas été mises à l’arrêt pour autant. Depuis les bombardements huit bateaux remplis de produits agricoles (238 600 t de marchandises) ont quitté la zone portuaire d’Odessa et 690 000 t devraient être chargées très prochainement.
Du côté français, Agreste, la statistique agricole du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, a publié ses premières prévisions de surfaces pour la campagne 2023/24. Les surfaces de céréales d’hiver sont estimées en hausse de 1,2% par rapport à 2022. Les assolements de blé tendre d’hiver augmenteraient de 1,7% à 4,75 Mha (contre 4,67 Mha en 2022) et ceux d’orge d’hiver seraient en hausse de 1% à 1,3 Mha (contre 1,29 Mha en 2022). Les surfaces consacrées au blé dur seraient en baisse de 11 000 ha à 233 000 ha.
En maïs le rapport USDA aura été sans surprise. Il aura également confirmé ce que le marché avait déjà constaté : la baisse des exportations américaines de maïs dont l’estimation passe de 54,6 Mt à 52,7Mt. Les Etats-Unis font face, depuis le début de la campagne, a un concurrent brésilien très en forme qui bat des records de vente. Ses productions sont toujours attendues à un niveau record (126 Mt). Piqué dans le vif, le marché américain a rebondi cette semaine en présentant des exportations hebdomadaires très satisfaisantes pour le maïs, atteignant 959 000 t (dans le haut de la fourchette des attentes). Il n’empêche que le marché accuse pour le moment un retard de plus de 30 points par rapport à l’année dernière.
Et ce n’est pas le marché européen qui viendra à la rescousse de l’origine américaine. Les importations de maïs ont doublé lors cette campagne avec 13,1 Mt importées du 1er juillet au 11 décembre 2022 (contre 6,02 Mt l’an dernier à la même date). Mais les origines plébiscitées sont le Brésil (6,4 Mt) et l’Ukraine (5,8 Mt). A noter cependant que les volumes de cette dernière origine sont en hausse par « effet conjoncturel » puisque les pays limitrophes de l’Ukraine restent des voies de sorties terrestres des grains pour combler un ralentissement des exportations maritimes.