Marché des céréales
Le blé au plus haut depuis août 2021
Entre l’Oural et l’Atlantique, les six premiers mois de la prochaine campagne 2024-2025 repose d’ores et déjà sur des pays amputés par des productions de blé revues en repli. Mais aux Etats-Unis et au Canada, les potentiels de production prometteurs évitent les marchés de s’enflammer.
Pour nourrir la population mondiale de plus en plus nombreuse, 800 millions de tonnes (Mt) de blé seront consommées en 2024-2025, selon le Conseil international des céréales (CIC). Or de l’Oural à l’océan Atlantique, les nouvelles parvenant des pays producteurs inquiètent. Comme l’hémisphère nord produit l’essentiel du blé de la planète, les prévisions revues en baisse préfigurent une nouvelle campagne tendue avec une récolte de blé à peine suffisante pour couvrir la demande des pays importateurs.
En trois mois, le cours de la tonne de blé a progressé de près de 70 €. Il a franchi le seuil de 250 € la semaine dernière, du jamais vu depuis l’été 2021! Sur le marché à termes, la tonne de blé se négocie plus de 265 €. L’Algérie et l’Egypte sont aux achats. Les appels d’offres et les contrats déjà conclus portent sur plus d’un million de tonnes de grains. Certains pays membres de l’Union européenne ont été, ou sont en phase d’être retenus.
Depuis le début de la campagne 2023-2024, l’Egypte a acheté 1,5 Mt de blé européen (versus 1,6 Mt en 2022-2023) et l’Algérie, 2,5 Mt (versus 4,0 Mt). Mais cette dernière a davantage importé de blé russe.
Toutes destinations confondues, l’Union européenne a exporté en onze mois de campagne 28 Mt de blé, 5,4 Mt d’orges et 2,8 Mt de malt mais aussi 3,7 Mt de maïs (au trois quarts roumains) et 710 000 tonnes de blé dur.
En fait, les fondamentaux prennent le pas sur la géopolitique. Les marchés sont très sensibles aux nouvelles météorologiques parvenant du bassin de la Mer Noire, confronté à un déficit hydrique important, et d’Union européenne occidentale, où le printemps n’a jamais été aussi pluvieux depuis 15-20 ans.
Pour le moment, la guerre en Ukraine n’a plus d’impacts sur les marchés - le pays expédie chaque mois plus de 5 Mt par la mer - et le trafic maritime s’est réorganisé depuis que les canaux de Suez et de Panama sont difficiles d’accès (cf. encadré).
Le blé, le maillon faible
En fait, le blé semble d’ores et déjà être le maillon faible de la prochaine campagne céréalière.
L’écart de prix entre la céréale d’une part et, l’orge et le maïs d’autre part, se creuse. Hors Chine, la production de céréales secondaires (924 Mt) est annoncée excédentaire de 15 Mt. Et comme l’Empire du milieu s’apprêterait à réaliser une production record de maïs (298 Mt), elle n’en importerait que 19 Mt.
En Ukraine, « les superficies cultivées en blé ont diminué et la récolte devrait être inférieure de 2 à 2,5 Mt à celle de l'année dernière », rapporte Ukragroconsil (UAG) dans son dernier bulletin d’information le 4 juin dernier. Pour le Conseil international des céréales (CIC), le repli serait même de 4 Mt à 23,7 Mt.
En Russie, la production de blé est dorénavant estimée à 85 Mt par Sovecon.ru; une estimation reprise par le CIC. Dans les régions du sud, la céréale manque d’eau (les précipitations sont inférieures de plus de 60-80 % sur un an) et dans le nord, elle ne se remet pas de l’épisode de gel du mois dernier : les températures avaient alors atteint - 6 °C.
Depuis, d’autres nouvelles soutiennent les prix. Les perspectives de récolte en Union européenne (129 Mt, blé dur compris) et au Royaume Uni (11 Mt ; - 4 Mt sur un an) s’assombrissent. En France, à peine 30 Mt de blé tendre pourraient être engrangées. Selon FranceAgriMer, seules 64 % des conditions de cultures sont bonnes ou très bonnes. L’an passé, le ratio était supérieur de 24 points.
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Cap sur Bonne espérance
Le trafic maritime reprend timidement dans le canal de Panama - Il se remplira avec le retour des pluies - Mais le transport des céréales n’est pas prioritaire. Aussi, les cargos empruntent d’autres routes maritimes pour passer de l’océan Atlantique à l’océan Pacifique.
Quant à la situation en Mer Rouge, elle « n’a guère évolué. Les vraquiers en provenance de l’Amérique du Nord et de l’Europe de l’Ouest à destination de l’Asie évitent toujours le canal de Suez et empruntent des itinéraires plus longs », souligne le CIC.
En fait, le Cap de Bonne espérance est devenu la seule voie maritime sécurisée et fiable.
Mais comme les vraquiers sont mobilisés plus longtemps, les bateaux disponibles sont rares. Les cotations de l’indice Baltique sont deux fois supérieures à leurs niveaux du mois de juillet 2023, avant que les Houthistes n’entreprennent de bloquer le golfe d’Aden.