Marché des céréales
Coups de froid et interrogations
Blé
Coup de froid sur les cultures, de l’hexagone au Midwest ; coup de froid aussi dans les négociations sino-américaine, avec l’annonce du président des Etats-Unis de durcir les mesures de taxation des importations de produits chinois, une mesure affectant directement les marchés des matières premières agricoles, particulièrement le maïs et le soja. La fin de semaine et la semaine prochaine devraient apporter quelques éclaircissements sur les interrogations que se posent le marché et qui conduisent à des blocages. D’abord de savoir la tournure que prennent les négociations entre les Etats-Unis et Pékin. Après des mois de discussions non abouties, l’ultimatum envoyé par Donald Trump permettra peut-être de percer enfin, l’abcès. On en saura plus aussi sur les retombées météorologiques sur les cultures, notamment aux Etats-Unis (voir chapitre maïs) en notant, au passage les effets bénéfiques escomptés des précipitations sur l’hexagone. Le rapport USDA, à paraître à l’heure où nous bouclons la présente chronique, apportera des précisions sur les stocks américains en cette fin de campagne, tandis que FranceAgriMer présentera ses bilans prévisionnels, en même temps que le ministère de l’Agriculture publiera sa note mensuelle sur les grandes cultures. En attendant ces informations, nous rappellerons quelques principaux points du rapport du CIC (Conseil International des Céréales) paru fin avril.
L’ambiance n’était pas à la sérénité pour la reprise du marché céréalier au sortir d’une période d’activité ralentie depuis Pâques par la succession de jours fériés. La volatilité qui accompagne ces incertitudes climatiques et géopolitiques s’est traduite par une tendance baissière à Chicago, se répercutant peu ou prou sur Euronext et les marchés physiques. Mais l’élément dominant de la conjoncture demeure la promesse de belles récoltes. Il faudrait vraiment des accidents de production considérables pour que les bonnes perspectives de moisson mondiale, soient remises en cause. Le CIC a révisé en hausse (voir notre dernier numéro) sa projection de récolte mondiale de blé 2019, la portant à 762 Mt, soit 27 Mt de plus que la dernière moisson. Cependant, le modeste stock de début de campagne et des utilisations annoncées à 10 Mt de plus qu’en 2018/2019 permettent d’envisager un report final, copieux certes, avec 274 Mt mais n’entraînant pas un déséquilibre général du marché. C’est surtout au niveau de la concurrence entre les grands exportateurs mondiaux que se feront les prix, plutôt qu’en fonction de l’offre globale. Une fois encore devant l’état des cultures à l’Est, les Russes apparaissent comme les prochains principaux perturbateurs du marché mondial. Le marché européen, est aussi soumis à la pression de la prochaine récolte et de la baisse de Chicago, bien que le taux de l’euro dollar constitue un rempart contre une dégradation excessive des cours en favorisant la compétitivité à l’export. Sur ce plan, la France reste bien placée avec 8,1 Mt sorties vers les pays tiers à la date du 5 mai, soit 1,4 Mt de mieux que l’an dernier, à la même date, alors que l’ensemble du bilan U.E est encore en retard de 0,7 Mt, avec 17,075 MT au 5 mai.
Le marché est en train de passer sur la prochaine campagne, en légère orientation baissière par rapport à un reliquat de l’ancienne en fort repli.
Maïs
Dans ses projections 2019/2020, le CIC envisage une production mondiale de maïs à 1 125 Mt l’une des plus importantes jamais réalisée. Une forte augmentation des utilisations, 1 161 Mt (dont 313 Mt pour les usages industriels, un record) contre 1 145 l’an dernier, absorberait largement l’accroissement de production, laissant un report modique de 275 t, contre une moyenne de l’ordre de 315 Mt ces dernières années. On considérera néanmoins ces projections du CIC avec prudence car la persistance d’un climat humide sur les cultures américaines, avec une possible dégradation des rendements due aux semis tardifs. D’autre part l’exposition toute particulière de cette céréale au conflit commercial sino-américain, risquent de modifierles prévisions de consomation et d’échanges mondiaux. Déjà, à l’annonce des intentions du président Trump à l’encontre des produits chinois importés, les cours du maïs qui étaient en pleine reprise, ont décroché.
Dans l’hexagone, l’offre nationale ne calcule pas pour passer à l’export face à la à la concurrence ukrainienne en attendant l’arrivée des maïsargentins. A moins de 3 mois de la fin de campagne, le record d’importation dans l’U.E est déjà battu avec 20,5 Mt contre 14,9 Mt pour la même période de 2017/2018. Sur le marché intérieur, les quelques couvertures des fabricants d’aliments du bétail ne provoquent pas de fluctuations notables en vieille récolte et la nouvelle n’est pas à l’ordre du jour.
Orge
Le CIC prévoit une relance de la production mondiale d’orge de 5,8 %, à 149 Mt, en 2019-2020, après une récolte 2018 la plus basse de ces 6 dernières années. Les utilisations progresseraient de 4 %, à 147 Mt laissant un stock en hausse de 9,7 % sur celui, très faible de l’actuelle campagne, mais comparable à celui de la précédente. Cela étant, c’est plutôt une relance du marché qui s’impose aujourd’hui alors que la demande est en berne, y compris de la part des plus grands acheteurs : la Chine et l’Arabie saoudite. Cette dernière a cependant acheté, la semaine dernière, 840 000 t, en optionnelle, l’origine Mer Noire étant la mieux placée pour emporter la plus grande part de cette opération, l’U.E, dont la France n’ayant sans doute pas participé à l’appel d’offres. Les exportations d’orge de l’U.E depuis le début de la campagne, jusqu’au 5 mai ont atteint 3,83 Mt, en repli de 24 % sur l’an dernier, même période, la France parvenant à garder une proximité avec le bilan de l’an dernier, à 2,04 Mt. Ce qui ne permet cependant pas de soutenir les cours, affectés par le manque de transactions en portuaire et solidaires de la baisse du blé. En ancienne campagne, les prix rendu Rouen sont pratiquement nominaux à 155 € et en prochaine récolte, il faut compter avec la pression d’une production que les pluies de la première décade de mai ont rendue prometteuse.