Marché des céréales
L’Ukraine a déjà exporté 6 Mt de céréales vers l’Union européenne
Kiev est le premier partenaire commercial sur les marchés des céréales des Vingt-sept, hormis celui du blé dur. Pourtant, l’Ukraine n’a que le statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne.
Le 22 novembre dernier, le prix de la tonne de blé est repassé sous le seuil de 220 € sur le marché de Rouen et à Bordeaux, le cours du maïs est toujours inférieur à 200 € la tonne. Les informations parvenant du Brésil, où les agriculteurs rencontrent des difficultés pour semer leurs champs de maïs, n’effraient pas les opérateurs. Dans son dernier rapport, le Conseil international des céréales (CIC) maintient toujours à 1,22 milliard de tonnes la production mondiale de maïs. Au Brésil, le potentiel de production de blé, en baisse de 3 millions de tonnes (Mt), à 124 Mt, est compensé par la nouvelle prévision de la récolte étasunienne en hausse de 4 Mt à 387 Mt.
Sur les marchés européens de céréales, l’Ukraine est devenue le premier partenaire commercial des Vingt-sept alors que le pays n’a que le statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne. En cinq mois de campagne, l’Ukraine a déjà exporté 3,1 Mt de maïs, 2,2 Mt de blé et 470 000 tonnes d’orges. Elle a aussi vendu 34 000 tonnes de farine. Ces céréales sont expédiées à des prix très concurrentiels, ce qui pèse sur les cotations européennes.
En Ukraine, les céréaliers ne profitent pas, financièrement, de ces opportunités commerciales. Des producteurs de grains, rencontrés au début du mois dans le sud-ouest du pays, affirmaient que le blé leur était payé 119 € la tonne alors qu’il leur en coûtait au moins autant à le produire. Deux ans plus tôt, la tonne de grains valait 253 €.
En fait, le fonctionnement des marchés ukrainiens des céréales échappe aux agriculteurs ukrainiens. Les prix se sont effondrés quand le conflit avec la Russie a débuté. Pour autant, les consommateurs ne paient pas moins cher leur pain !
En fait, les exportateurs de grains font peser, sur les prix sortie-ferme, les risques financiers qu’ils encourent pour expédier les grains (primes d’assurance, transport, logistique etc.).
Selon une entreprise de négoce, un céréalier perd en moyenne 160 € par hectare pour un rendement de 7,5t et jusqu’à 355 €/ha pour une production de 6t/ha. La culture de maïs ne devient bénéficiaire qu’au-delà d’une production de 12 t/ha. L’effet ciseau prix-charges a été accentué par la dévaluation de près de 50 % de la Hryvnia.
Or les céréaliers ne peuvent compter sur aucun soutien public pour compenser leurs pertes. Seules les productions d’oléo-protéagineux et de betteraves sucrières les sauvent de la faillite. Mais les entreprises agricoles de plusieurs milliers d’hectares emploient chacune des dizaines de salariés qu’ils paient chaque mois. Elles leur versent aussi à certains des fermages quand elles leur louent leurs terres.
Par ailleurs, une partie de ces mêmes salariés sont mobilisés et faute de candidats à l’embauche, chercher des remplaçants est un exercice périlleux.
En Union européenne, la campagne de commercialisation 2023-2024 à l’import et à l’export est centrée autour du bassin méditerranéen, de la Mer Noire et du continent africain. Le Brésil sur le marché du maïs et le Canada sur celui du blé dur jouent les seconds rôles.
En cinq mois de campagne, l’Ukraine a allègrement devancé le Brésil sur un marché européen du maïs qui s’est fortement restreint : l’UE n’a importé que 6,6 Mt de grains versus 11 Mt en 2022-2023. Mais le Brésil, n’a expédié que 2,7 M t alors que l’Ukraine en a livré 3,1 Mt. Or à la même époque la campagne passée, le Brésil avait déjà exporté 5,9 Mt (4,96 Mt pour l’Ukraine).
Le seul marché européen des grains que l’Ukraine n’est pas en mesure de conquérir est celui du blé dur très cher à la vente (370 €/t sur le marché de La Palice).
La Turquie y a fait un retour remarqué en profitant pleinement de cette conjoncture de prix. Grâce une récolte exceptionnelle de 4,1 Mt, le pays est en mesure d’écouler à l’export jusqu’à 1,7 Mt. Elle a déjà vendu en Union européenne 554 000 tonnes de grains sur les 1,22 Mt importées par les Vingt-sept. Le Kazakhstan et la Russie approvisionnent aussi le marché européen. Ces trois pays étaient absents l’an passé. Sur le marché européen, la place de leader était alors occupée par le Canada. Mais cette année, le pays fait défection en raison de la forte sécheresse qui a détruit pour la seconde fois en trois ans une partie de sa récolte de blé dur.
A l’export, l’Afrique est le principal continent destinataire du blé européen expédié vers les pays tiers (11 Mt au total). En cinq mois de campagne, le Maroc, l’Algérie, le Nigéria, l’Egypte, l’Afrique du sud ont acheté 5,5 Mt de blé européen à eux seuls.