Marché des céréales
Le corridor de la Mer Noire, le calme avant la tempête
La petite récolte française de maïs n’a aucune incidence sur les marchés mondiaux de céréales. Mais l’intensification du conflit en Ukraine rend très incertaine la reconduction de l’accord sur le corridor humanitaire maritime ouvert sur la Mer Noire. Une nouvelle flambée des cours n’est alors pas exclue.
Cette semaine, FranceAgriMer (FAM) a dévoilé, pour la France, le bilan prévisionnel Offre/Demande très attendu de la campagne de maïs 2022-2023.
La moisson a débuté avec 18 jours d’avance et à ce jour, plus des trois quarts de la superficie plantée de maïs a été récoltée.
Selon FAM, 10,37 millions de tonnes (Mt) de grains seront récoltées, soit 4 Mt de moins qu’en 2021 et 8,7 Mt seront collectées (-3,8 Mt).
Toutefois, le maïs produit en moins ne manquera pas car la céréale est chère. L’industrie française de l’alimentation animale s’en détourne. Une tonne de maïs vaut 30 à 40 € de plus qu’une tonne d’orge.
En conséquence, seules 2,3 Mt de grains seront transformées en aliments selon FranceAgriMer, soit 600 000 tonnes de moins que l’an passé. Et comme l’ensemble des filières animales françaises consommera moins d’aliments, 8 Mt de blé, d’orges et de maïs seront transformées durant la campagne 2022-2023, soit 0,5 Mt de moins que l’an passé.
A l’export, la France ne vendra que 3,4 Mt de maïs, soit 2,1 Mt de moins que l’an passé. Et comme aucun pays européen n’est en mesure de prendre le relais sur le marché européen, l’Union européenne importera 21 Mt de maïs durant la campagne 2022-2023. Un record ! (1)
Retour dans le bassin de la Mer Noire
Ces derniers jours, l’intensification du conflit en Ukraine n’a pas manqué de faire réagir les places de marché. L’avenir s’assombrit de nouveau.
Or dans le bassin de la Mer Noire, le corridor maritime ouvert cet été permet chaque semaine d’expédier toujours plus de grains depuis les ports ukrainiens. Le mois passé, 3 Mt de blé, d’orges et maïs ont été chargées dans des cargos, soit respectivement 1 Mt et 2,5 Mt de plus qu’au mois d’août et au mois de juillet derniers.
Depuis sa mise en place, ce corridor maritime rend les transactions commerciales plus fluides même s’il ne permet pas encore à l’Ukraine de retrouver des exportations aux niveaux de celles de 2021 : 6 Mt ont été livrées à des pays tiers, soit 5 Mt de moins qu’en 2021-2022 avant le conflit. Mais la tonne de blé est vendue 267 € environ, soit 80 € de moins que le prix de la tonne de blé expédiée depuis l’Union européenne.
A quoi faut-il s’attendre dans les prochaines semaines ?
Les derniers événements laissent penser que l’accord sur le corridor humanitaire ne sera pas reconduit le 19 novembre prochain à moins que la Russie n’obtienne de sérieuses contreparties. Par exemple, pouvoir exporter ses grains sans être pénalisée par des primes d’assurance excessives.
Dans le même temps, la Russie ne tient pas à être le pays qui affamera les pays africains et leurs populations en entravant les échanges commerciaux de céréales et en provoquant par ricochet, une nouvelle flambée des cours des grains.
En fait, la campagne d’exportation russe a mal commencé. La Russie n’a exporté en trois mois que 10,5 Mt de grains, soit 3 Mt de moins que l’an passé à la même époque, rapporte FranceAgriMer. Or les agriculteurs russes achèvent d’engranger une récolte pléthorique de céréales (92 Mt de blé et 15,4 Mt de maïs selon UAC).
En conséquence, la Russie doit exporter 41 Mt de blé, plus de 6 Mt d’orges et 4 Mt de maïs cette année, soit 15 Mt de grains plus que la campagne passée.
Mais la taxation des exportations et le niveau élevé du rouble desservent toujours les intérêts de la Russie. Sans atteindre les niveaux observés de l’été dernier, les taxes appliquées sur le blé et l’orge étaient encore de 34,1 €/t et de 29,8 €/t au début du mois.
La seconde partie de campagne céréalière 2022-2023 pourrait débuter dès la fermeture du corridor maritime de la Mer Noire. Et les quantités de céréales invendues dans le bassin de la Mer Noire s’ajouteraient alors aux récoltes de l’hémisphère sud.
Sur le papier, de tels fondamentaux feraient effondrer les cours des grains. Mais le contexte géopolitique actuel rend toute prévision impossible.
(1) cf papier du 7 octobre 2022