Marché des céréales
Corridor de la Mer Noire, l’Ukraine et les marchés …prêts à s’en passer au cas où !
Ce ne serait évidemment pas le scénario souhaité par l’Ukraine mais Mykola Solsky, ministre de l’agriculture, affirme que son pays a les moyens d’expédier sa prochaine récolte de céréales en se passant de ses ports de la Mer Noire si le corridor maritime n’est pas reconduit après le 19 mai. Mais les ports roumains et bulgares sont déjà proches de la saturation.
Depuis une quinzaine de jours, les prix des céréales sont inférieurs à leurs niveaux de 2021. Mais si à l’époque ils étaient suffisamment élevés pour couvrir les coûts de production des céréaliers européens, il en sera tout autrement cette année.
Dans l’Union européenne, et en France en particulier, les céréales d’hiver ont en effet été implantées alors que les prix de l’énergie et des intrants flambaient. Et contrairement à l’automne 2021, peu d’agriculteurs ont échappé à ces hausses. Aussi, la plupart d’entre eux pourraient produire cette année à pertes !
En fait, ce ne sont pas les perspectives de production de la campagne céréalière 2023-2024 qui apaisent les marchés et qui font baisser les prix des grains depuis des mois - aucune récolte exceptionnelle n’est en vue - mais les nouvelles qui parviennent du Bassin de la Mer Noire.
Reconduit ou pas reconduit le 19 mai prochain, le corridor maritime sur la Mer Noire qui relie des ports ukrainiens aux ports turcs ne revêt plus l’enjeu stratégique et géopolitique qu’il avait lorsqu’il avait été ouvert l’an passé.
En effet, « l’Ukraine a un plan B au cas où le corridor céréalier serait complètement fermé, a affirmé le ministre ukrainien de la Politique agraire et de l'Alimentation, Mykola Solsky », rapporte le site Ukragroconsult.com.
Ces douze derniers mois, les Ukrainiens ont su prendre les mesures nécessaires pour exporter par voies terrestres et fluviales leurs céréales et leurs graines oléo-protéagineuses.
Jusqu’à 50 millions de tonnes (Mt) de grains pourraient ainsi être acheminées par route, par trains et par voie fluviale. La logistique des ports de Reni et d’Izmail sur le Danube s'est énormément développée.
Mais surtout, « le port roumain de Constanza est à lui seul en mesure d’expédier jusqu’à 6 Mt de maïs et 4 Mt de blé ukrainiens sur les 24 Mt de grains qu’il pourrait charger durant la prochaine campagne commerciale 2023-2024 », a affirmé Alexandru Nahu, négociant chez Cargill. Il participait le mois dernier à la conférence internationale EURO GRAIN HUB Exchange & Forum.
Par ailleurs, la fin du corridor ne servirait pas les intérêts de la Russie. L’objectif d’expédier 44 Mt d’ici la fin du mois de juin n’est, du reste, pas prêt d’être atteint. La Russie pourrait même commencer la prochaine campagne avec des stocks de report record de 20 Mt.
Sur son marché intérieur, un nouvel effondrement des prix des grains est d’ores et déjà redouté alors que les agriculteurs russes ne parviennent déjà plus à couvrir leurs charges, selon Sovecon.ru.
Ce qui pourrait entraver les expéditions de grains ukrainiens depuis les ports roumain et bulgare serait, en Roumanie et en Bulgarie, de très bonnes productions de blé et de maïs qui accroitraient le disponible exportable de ces pays (cf encadré) alors qu’une partie de la récolte 2022 n’est pas encore vendue.
Près de 3 Mt de blé sont encore dans des silos et l’arrivée de la prochaine récolte réduit les chances de ces céréales d’être vendues à des prix corrects.
En fait, le marché des céréales manquerait, en Roumanie et en Bulgarie, de fluidité. Et la prochaine récolte 2023 se vend mal.
En Bulgarie, une partie des stocks de grains invendus est aussi détenue par des agriculteurs qui comptent sur un rebond des cours, si le corridor n’est pas prolongé, pour écouler leurs céréales. Ou, si la menace qu’il ne soit pas reconduit, se répand.
L’idée que le corridor soit provisoirement interrompu le 19 mai avant d’être restauré quelque temps plus tard fait aussi partie des hypothèses envisagées.
Outre la question portuaire, l’Ukraine ne pourrait pas non plus miser sur les pays occidentaux de l’Union européenne, structurellement importateurs de maïs, pour y exporter autant de maïs durant la campagne de commercialisation 2023-2024 que ces derniers mois.
La sécheresse qui avait sévi en 2022 avait conduit l’Union européenne à importer jusqu’à 25 Mt de maïs, soit 8 Mt de plus qu’escompté en 2023-2024. Aussi, l’Ukraine devra trouver, par voie maritime, de nouveaux débouchés à l’export.
Productions de céréales en Bulgarie, Roumanie et Ukraine
Selon les prévisions actuellement disponibles (prochain rapport de l’USDA attendu le 13 mai), l’Ukraine est partie pour produire 20,2 Mt de blé, la Roumanie plus de 10 Mt et la Bulgarie 7 Mt.
Pour le maïs, les prévisions portent sur 21 Mt, 12,4 Mt et 3,3 Mt si les conditions de cultures sont bonnes tout au long du cycle de développement des plantes.
Enfin, 2 Mt d’orges seraient produites en Roumanie et 5,4 Mt en Ukraine.
L’Ukraine serait en mesure d’exporter 28 Mt de céréales