Marché des céréales
Production européenne de blé en baisse
Le contre-choc pétrolier impactera le déroulement de la prochaine campagne céréalière
La crise économique mondiale perturbera le fonctionnement des marchés des céréales. La faiblesse des cours du pétrole rend incertain les débouchés d’une partie des céréales qui sera produite dans le monde, aussi bien en termes de prix que de volumes. Faute de blé à vendre, l’Union européenne pourrait bien perdre des marchés à l’export.
Le dernier achat de 120 kt de blé russe par le Gasc (l’organisme égyptien en charge des achats de céréales), avec une livraison en juillet, donne une première tendance des prix auxquels sont négociés les contrats dans les jours à venir pour la prochaine campagne. La tonne de grains a été vendue 217 US$. Mais en euros, la parité de la monnaie unique européenne égratigne le prix auquel a été négocié ce contrat (191 €/t).
La réévaluation de l’euro rapportée à l’ensemble des monnaies des pays émergents et du dollar rend leurs céréales plus compétitives à l’export.
L’Egypte pourrait importer 12,5 Mt de blé durant la prochaine campagne selon le Conseil international des céréales (CIC). Le pays resterait le premier importateur mondial de blé devant l’Indonésie. Mais dans le contexte actuel de pandémie, l’ancien royaume des pharaons anticipe ses emplettes sur les marchés des céréales pour sécuriser son approvisionnement.
En fait, l’Afrique du Nord se prépare à une campagne d’importations intense. Selon le CIC, le Maghreb devra acheter 28,8 Mt de blé alors que sur la rive nord de la Méditerranée, l’Union européenne ne disposera que de 27 Mt de blé exportables.
Les pays nord africains font face un important déficit hydrique depuis des mois. Au Maroc, France Export céréales estime la production de blé tendre à 1,64 Mt et pour approvisionner le marché du royaume chérifien, un besoin d’importation à 4,1 Mt. Ce dernier envisage même d’ouvrir son marché aux importations durant l’été.
Dans ce contexte, l’Union européenne devrait céder quelques parts de marché aux pays exportateurs de la Mer Noire pour approvisionner le Maghreb, faute de denrées.
La production européenne de blé, estimée à 131,7 Mt par le CIC (155 Mt pour la campagne précédente), a été ramenée cette semaine par le Coceral, l’organisation européenne du commerce des céréales, à 129,7 Mt. Et selon la même organisation, seule 32 Mt de blé, voire 31 Mt seraient récoltées en France (39,5 Mt en 2019-2020).
Dans les principaux pays européens producteurs de blé, les superficies emblavées sont en baisse et les rendements seront plus faibles que l’an passé. Selon Agreste, le service statistique du ministère français de l’Agriculture, la sole de blé atteindrait, dans notre pays, 4,6 millions d’hectares. Elle serait en baisse de 8,3 % par rapport à l'an dernier et de 8,8 % par rapport à la moyenne 2015-2019. Par ailleurs, les cultures en place ont souffert des mauvaises conditions climatiques depuis leur mise en place.
Cette situation contraste avec la seconde partie de la campagne de blé à laquelle les opérateurs doivent se préparer à partir du mois de décembre prochain.
Selon Abares, l’institut australien de statistiques agricoles, la production de blé pourrait être supérieure de 10 Mt à celle de l’hiver 2019-2020. L’Australie sera de retour sur les marchés océaniens pour exporter du blé mais aussi de l’orge.
Le maïs victime collatérale du contre-choc pétrolier
Au Brésil, 25 Mt de maïs ont déjà été récoltées au début de l’été austral. Mais la saphrina, la seconde culture semée entre janvier et mars peine à se développer, faute de précipitations. Toutefois, l’USDA n’a pas révisé dans son dernier rapport, ses prévisions de production établies à hauteur de 101 Mt pour la campagne 2020-2021.
Tout porte à croire que les cours mondiaux de maïs resteront durablement bas, sauf accident climatique majeur dans un des grands pays producteurs.
« Le contre-choc pétrolier provoqué de manière irresponsable par l’Arabie saoudite s’est transformé en un véritable désastre pour les producteurs de pétrole », analyse Philippe Chalmin. Le coordinateur de l’édition 2020 du « Cyclope, les marchés mondiaux » analysait en ces termes l’impact de la crise sanitaire sur les marchés agricoles, le 9 juin dernier.
Ce contre-choc durera tant que la production de pétrole ne sera pas encadrée. Or seuil de rentabilité de la production de cet hydrocarbure avoisine 40 $ ! Et à ce niveau, la production de bioéthanol n’est pas rentable ».
Qu’à cela ne tienne, les farmers sont décidés à planter la plus importante superficie de maïs depuis 2012 ! En effet, comme l’USDA table sur un prix moyen du maïs à Chicago en spot à 3,6 $/boisseau, le ratio de prix soja/maïs -livraison automne 2020 - de 2,35 reste favorable à la céréale aux dépens du soja, selon Philippe Chalmin.
Mais surtout, quels que soient les cours de la céréale, les aides contra-cycliques (ou prix compensateurs) garantiront à ces farmers un minimum de chiffre d’affaires et donc de revenu.
La crise économique consécutive à la crise sanitaire du coronavirus rappelle la dimension stratégique de la production de maïs. Le marché de la céréale la plus produite dans le monde (1 168 Mt estimées en 2020-2021 selon le CIC ; + 50 Mt en un an) est à la fois lié à celui des produits pétroliers et des filières animales.
Orge à la peine
Retour en France. Pour l’orge d’hiver, le ministère français de l’Agriculture apporte des précisions aux prévisions de l’USDA et du CIC publiées récemment. La production d’orge d’hiver baisserait de 11,7 % sur un an et de 9,1 % par rapport à la moyenne 2015-2019. Ce recul serait davantage dû à une baisse des rendements (63,2 q/ha contre 79,9 q/ha l’an passé) qu’à diminution des surfaces qui n’a reculé que de 1 % sur un an.
Quant à l’orge de printemps, « la hausse des surfaces atteint 14,1 % sur un an et 45,5 % par rapport à la moyenne 2015-2019 », rapporte le ministère. La céréale a profité des difficultés rencontrées cette année lors des semis de la fin d’année 2019
En attendant, la France achèvera la campagne avec des stocks de report (1,66 Mt), en hausse de 25 % par rapport à leur niveau de l’an passé malgré les bonnes performances à l’export (9 Mt ; + 18 % sur un an). Toutes destinations confondues, 7,7 Mt de grains auront été exportées contre 6,2 Mt l’an passé. Mais moins de malt a été vendu (1,29 Mt contre 1,42 Mt) car les brasseries ont produit moins de bière durant les trois mois du confinement de l’économie européenne.
Les prévisions de vente vers l’UE et les pays tiers ont été réévaluées par FranceAgriMer, par rapport au mois précédent. D’ici fin juin, 3,9 Mt auront été expédiées (+ 120 000 tonnes) « en raison du dynamisme des achats de la Belgique et des Pays-Bas en orges fourragères », souligne l’organisme public. Dans le même temps, 3,8 Mt seront exportées hors de l’UE (+ 150 000 tonnes par rapport aux prévisions de mai dernier).
Sur le marché intérieur, davantage d’aliments à base d’orge ont été fabriqués (1,4 Mt contre 1,02 Mt un an auparavant).
Les Français ont fait des stocks de pâtes
Malgré la petite récolte de blé dur (1,57 Mt, -0.2 Mt sur un an), quasiment autant de grains ont été consommés ou exportés (2,086 Mt contre 2,11 Mt) que l’an passé. L’industrie de la semoulerie aura transformé 520 000 tonnes de grains (+ 30 000 t sur un an). La consommation de pâtes a été boostée par les achats des ménages au début de la période de confinement.