Marché des céréales
Le sous-continent sud-américain sous les projecteurs
La seconde partie de la campagne céréalière 2021-2022 se joue dans l’hémisphère sud. Or le volet du rapport de l’USDA consacré à la production de maïs ne convainc pas. L’institut de statistiques semble minimiser l’impact de la détérioration des conditions de cultures est minimisé.
Le conflit diplomatique qui oppose l’Ukraine et la Russie reste d’actualité mais aucune nouvelle tension entre les deux pays n’a perturbé l’activité commerciale sur les places de marchés. Sur les ports de la mer Noire, le chargement des navires se déroule sans encombre.
L’Ukraine a quasiment écoulé la moitié des 33 Mt destinées à l’export.
Le rapport de l’USDA, l’institut américain de statistiques agricoles, confirme les récoltes exceptionnelles de blé en Australie (34 Mt et en Argentine (20,5 Mt). Mais elles ne sont pas suffisantes pour enrayer la baisse mondiale des stocks attendues à la fin de la campagne (278 Mt ; - 10 Mt sur un an).
Depuis deux jours, le prix de la tonne de blé est repassé sous le seuil de 260 €. L’orge retrouve un certain intérêt (244 €/t le 11 février 2022) auprès des fabricants d’aliments au détriment du maïs (248 €/t à Bordeaux).
Mais bien qu’élevés, ces prix ne sont pas suffisamment rémunérateurs s’ils se maintiennent, à ces mêmes niveaux la récolte prochaine. Ces douze derniers mois, les prix des engrais et de l’énergie ont bien plus progressé (respectivement + 80 % et + 40 %) que ceux des céréales (+ 37 % en 2021).
Alors que la présente campagne de commercialisation de blé et d’orges est déjà bien engagée, avec des volumes de grains vendus conséquents depuis le mois de juillet dernier, celle du maïs reste toujours liée aux conditions climatiques qui sévissent en Amérique du Sud. Selon l’USDA, 178 Mt seraient récoltées en Argentine, au Brésil et en Afrique du Sud et 78 Mt seraient destinées à l’exportation.
En fait, l’ensemble des pays exportateurs de maïs de la planète voit leur production de maïs augmenter. 1 205 Mt de grains seraient produites dans monde (source USA), soit 82 Mt de plus que la campagne passée. Et les stocks mondiaux de fin de campagne sont d’ores et déjà estimés à 302 Mt (- 1 Mt sur un mois).
Mais l’USDA semble insensible aux signaux alarmistes envoyés du Brésil et même d’Argentine, annonciateurs d’une production potentielle de maïs en baisse.
L’organisme américain n’a réduit que d’un million de tonne la production prévisionnelle de maïs attendue au Brésil (144 Mt). Pourtant la première culture semée l’automne dernier (printemps austral) pâtit de la sécheresse.
En fait, les agriculteurs brésiliens misent sur la safrina, la seconde production de maïs qui représente 75 % de la production brésilienne. Toutefois, les prix élevés des engrais pourraient les conduire à préférer la culture de soja, moins gourmande en intrants.
Durant la seconde partie de la campagne de commercialisation 2021-2022, la Chine restera un acteur majeur. A la fin du mois de juin prochain, l’empire du milieu sera le premier pays importateur (26 Mt) de maïs. Il achètera aussi 10 Mt d’orges et 9 Mt de blé.
Un accord commercial vient d’être signé entre les deux gouvernements russe et chinois. L’empire du milieu sera en mesure d’importer du blé russe par voie ferroviaire depuis Zabaïkalsk, un village frontalier russe situé à proximité de la Mongolie, à l’est du pays. Un nouveau terminal ferroviaire va rendre possible, dans les prochaines semaines, l’acheminement de blé depuis le bassin de la mer Noire et les régions occidentales de la Fédération de la Russie lorsque le processus d’accréditation sera achevé.
Cette année, la Turquie est devenue le troisième pays importateur de blé tendre de la planète (11Mt) auxquelles s’ajoutent 2,1 Mt d’orges.
Depuis quelques années, de nouveaux pays structurellement importateurs de blé sont apparus avec des besoins croissants estimés en dizaines de millions de tonnes. Hormis la Chine et la Turquie, citons aussi le Bengladesh, l’Iran, et le Pakistan.
D’ici 2030, la planète devra alors produire 80 Mt de plus de blé en plus chaque année, selon Sébastien Abis, directeur général du club Déméter. Il participait le 28 janvier dernier au Paris grain day organisé par Agritel, la société française de conseil sur les marchés agricoles et agro-alimentaires.
Mais si la stratégie Farm to fork, présentée par la Commission européenne est adoptée en l’état par l’Union européenne, jusqu’à 100 Mt de blé en plus devraient alors être produites en plus par le reste de la planète car les Vingt-six pays membres renonceraient alors à récolter chaque année plus de 20 Mt de blé.
L’Union renoncerait aussi de faire partie du club restreint des pays exportateurs de blé de la planète.
Or aucun pays n’est en mesure de prendre le relais. Depuis quatre ans, les rendements stagnent dans les principaux pays producteurs de blé autour de 3,4 tonnes par hectare.
« Le bassin de la mer Noire ne sera plus le moteur de la production de blé. Toutes les terres disponibles sont cultivées en Ukraine et en Russie, l’expansion de la culture de céréales d’hiver en Sibérie est limitée », affirme Nathan Cordier d’Agritel. Aux Etats-Unis, la production de blé décroche depuis quelques années. Moins de 50 millions d’acres sont emblavés. Les farmers préfèrent cultiver du maïs et du soja.
Mais surtout, si la stratégie Farm to Fork devenait la stratégie adoptée par tous les pays exportateurs de céréales de la planète, les pays importateurs nets (nord-africains, moyen-orientaux etc.) seraient alors livrés à eux-mêmes, dans l’incapacité de pourvoir à leur souveraineté alimentaire. Ils rencontreraient de sérieux problèmes pour s’approvisionner alors que leurs besoins ne cessent de croître.