
Marché des céréales
La campagne 2022-2023 aura une connotation géopolitique très prononcée
Le dernier rapport du Conseil international des céréales dresse un panorama des productions de céréales dans le monde. Il ne rend pas compte des enjeux géopolitiques que revêtiront les échanges commerciaux de grains au cours des douze prochains mois.
Ce 1er juillet, la nouvelle campagne céréalière s’annonce pleine d’imprévus. Les baisses significatives des prix des céréales, observées ces huit derniers jours, ne préfigurent en rien la tendance des douze prochains mois. Les marchés des céréales restent très volatils et réactifs à la moindre rumeur.
Selon le dernier rapport du Conseil international des céréales, la campagne 2022-23 commence ainsi. La production mondiale de blé (769 Mt) est annoncée déficitaire de près de 11 Mt et celle d’orges, juste à l’équilibre (147 Mt).
Enfin, moins de maïs serait produit dans le monde que l’an passé (1 190 Mt ; - 28 Mt sur un an). La production mondiale serait même déficitaire de 14 Mt.
Mais les prévisions du CIC restent des prévisions. Le dôme de chaleur survenu au Canada l’été dernier rappelle qu’aucun pays n’est à l’abri d’un accident climatique tant que les récoltes ne sont pas achevées.
Par ailleurs, les prévisions du CIC appellent plusieurs commentaires. La baisse de la production de céréales en Ukraine n’explique pas, à elle-seule, les déficits annoncés à l’échelle mondiale. L’an passé les récoltes ukrainiennes de blé et de maïs étaient exceptionnelles. Cette année, hormis la Russie, aucun pays exportateur majeur de s’apprête à réaliser une récolte de blé record.
Aux Etats-Unis, la culture de maïs est quelque peu délaissée. Le potentiel de production étasunien est estimé à 367 Mt, soit 17 Mt moins que l’an passé.
Dans le contexte de conflit et de sanctions commerciales qui ébranle le bassin de la Mer Noire, la clé de la prochaine campagne de commercialisation sera la quantité de céréales disponibles à l’export et non pas seulement dans la quantité de céréales produite dans le monde et potentiellement exportable.
Le Kremlin aura la main sur un quart du commerce mondial de blé au cours de la prochaine campagne. Mais les 47 Mt de grains russes et ukrainiens exportables en 2022-2023 pourraient être bloquées dans les silos et dans ports pour différentes raisons (prix élevés, boycotts, ports inaccessibles, trafic maritime dans la Mer Noire dangereux etc.).
Par ailleurs, la politique commerciale de la Chine prend une dimension géopolitique particulière. Selon le CIC, l’empire du milieu est le premier pays importateur au monde de grains (53 Mt en 2021-2022, 47 Mt attendues au cours de la prochaine campagne). Mais il dispose de stocks de blé et de maïs pléthoriques (323 Mt).
Mais surtout, la Chine est le seul pays importateur au monde à ne pas avoir besoin, dans le contexte actuel, d’acheter des grains à plus de 300 € la tonne pour combler une production intérieure déficitaire.
Certes, assurer sa sécurité alimentaire a toujours été une priorité nationale. Et la Chine s’est toujours constituée, à ce titre, des stocks importants de grains.
Mais cette année, l’empire du milieu détient une des clés de la prochaine campagne mondiale de commercialisation des céréales, aussi bien en termes de prix qu’en termes de quantités de grains échangées.
Si la Chine renonce à une partie de ses importations, elle chamboulera complètement les termes de l’échange des céréales au cours des prochains mois. Des millions de tonnes seront potentiellement disponibles à la vente, eu égard au conflit entre la Russie et l’Ukraine.
Cependant, une telle attitude sera assimilée à un signe de défiance à l’égard de la Russie ou à un soutien à l’égard à l’Ukraine. Et réciproquement.
Par ailleurs, un retournement brutal des marchés des céréales, avec des prix en forte baisse, mettra en difficultés les nombreux céréaliers occidentaux (et français en particulier). Ils ont acheté très chers leurs intrants pour implanter leurs céréales la campagne passée. En France, le coût de production de la tonne de blé pourrait atteindre 250 €. Tout dépendra des rendements obtenus.
Mais l’an passé, ce coût de production était, rémunération comprise, de 202 € selon le 11ème rapport de l’Observatoire des prix et des marges.