Non, productivité ne rime pas avec productivisme !
Pourquoi la productivité n’est pas l’ennemie de l’agriculture ?
Michel Prugue, président de COOP DE FRANCE, et Pascal Viné son délégué général s’insurgent contre les attaques politiques dont est victime le secteur. Non, productivité ne rime pas avec productivisme.
Même si l'avenir de l'agriculture française n'est pas vraiment au cœur des débats de cette élection présidentielle, et on ne peut que le regretter, la question du modèle de production à favoriser se pose. C'est ainsi que notre modèle agricole se voit souvent accusé d'être productiviste, comme si son premier objectif était de produire des volumes toujours plus importants sans tenir compte des conséquences sur l'environnement ou la santé.
Cette vision ne correspond plus à ce qu'est aujourd'hui l'agriculture française.
Depuis 20 ans, la production agricole stagne après avoir augmenté de 1,6% par an entre 1960 à 1996. Sur les cinq dernières années, la production française de vin a baissé de 6%, alors qu'au même moment, elle s'accroissait de 1% en Espagne et de 4% en Italie, la filière volaille a perdu 22% de ses volumes et le cheptel porcin français a baissé de 7%. Dans le même temps, l'agriculture française a profondément évolué avec l'amélioration permanente de la qualité de ses produits, le développement des mesures agroenvironnementales et le verdissement de la PAC.
Pour Coop de France, qui représente 2.600 coopératives agricoles auxquelles adhérent trois agriculteurs français sur quatre, l'enjeu pour les produits agricoles et alimentaires est moins aujourd'hui celui des quantités produites que de leur valeur.
Un indicateur important est à ce titre la régression de la productivité de notre agriculture au cours des 20 dernières années pour s'établir à environ 0,6% par an contre 1,7% pour la période 1960-1996. Or, la productivité traduit la capacité de nos entreprises à générer de la valeur ajoutée. L'accroissement de cette dernière est bien entendu lié aux volumes commercialisés, mais surtout à la capacité à baisser les charges, à monter en gamme et à payer le juste prix.
Chacun sait aujourd'hui que l'on ne peut plus produire pour produire! Ce sont désormais les attentes des citoyens-consommateurs, donc des marchés et de nos clients, qui commandent nos débouchés. Ces marchés sont multiples: déjà 550 coopératives agricoles sont engagées dans le bio ; nous sommes à la fois dans les circuits courts et dans les circuits longs ; tout en produisant local, nous pouvons vendre à l'international et ainsi générer 23% du chiffre d'affaires de nos entreprises.
Innovation, optimisation logistique, numérique, performances environnementale et sociétale sont les clefs de la nouvelle productivité agricole. Alors, arrêtons de confondre productivisme et productivité, et de stigmatiser des agriculteurs qui depuis 60 ans répondent aux attentes de la société tout en subissant les effets négatifs sur leurs revenus de l'essoufflement des gains de productivité.
Une agriculture française forte sera une agriculture créatrice de valeur. Pour ce faire, elle doit être diverse, durable, innovante et capable de conquérir différents marchés, du local à l'international, du circuit direct à la grande distribution, du conventionnel au biologique. L'agriculture et l'agroalimentaire favoriseront alors l'activité dans les territoires ruraux, comme le fait aujourd'hui la coopération agricole avec ses 165.000 salariés dont les trois quarts travaillent au sein de PME/TPE.
Etre productif n'est pas un handicap et ne signifie pas que l'on soit productiviste. C'est au contraire un gage de pérennité, quelle que soit la taille de l'exploitation agricole ou de la coopérative.
Par Michel Prugue, président de COOP DE FRANCE, et Pascal Viné son délégué général.
Tribune publiée sur Challenges.fr, le 02/05/2017 https://www.challenges.fr/economie/agriculture/pourquoi-la-productivite-n-est-pas-l-ennemie-de-l-agriculture_470698