Marché des céréales
Hausse des prix du blé : les céréaliers français sur le banc faute de grains
Alors que les récoltes de blé ont commencé, certains retours de terrain inquiètent même si les fondamentaux ne sont pas remis en question. Les cours augmentent mais les récentes augmentations des prix du blé profitent partiellement aux céréaliers français. En cause, le renforcement de l’euro et la faiblesse des récoltes de blé et d’orges.
Au cours de la deuxième semaine de la campagne céréalière, les cours du blé et du maïs ont progressé 7 € par tonne. Le 10 juillet dernier, la tonne de blé valait 188,5 € et celle de maïs, 164 €. Mais ces sept derniers jours, le prix de la tonne d’orge fourragère (167 €) n’a gagné qu’un à deux euros.
Les opérateurs sur les places de marché n’ont ni plus ni moins réagi à l’actualité de la semaine écoulée, très centrée sur les retours de terrains des récoltes en cours dans l’hémisphère nord (blé) et dans l’hémisphère sud (safrina au Brésil).
Au fur et à mesure de l’avancée des moissons, les organismes statistiques des grands pays producteurs ajustent leurs prévisions.
En Russie, la canicule s’est abattue sur les blés d’hiver tandis que la croissance des blés de printemps est contrariée par un déficit hydrique important. Cependant des précipitations s’abattent sur la Russie de l'ouest et le nord-ouest de l'Ukraine.
Les prévisions russes s’alignent progressivement sur celles du CIC (79 Mt). Selon les ministères de l’Agriculture russe et ukrainien, 35 Mt et 17,2 Mt de blé pourraient être exportées durant la campagne.
Pour autant, les fondamentaux ne sont pas remis en cause. 2 2237 Mt de blé, d’orges, de blé dur et de maïs seront produites dans le monde rapporte FranceAgriMer (+62 Mt sur un an – source Eurostat).
Mais l’euro vaut dorénavant 1,12-1,13 dollar et les monnaies des pays émergents (Ukraine, Turquie et même la Russie) ont perdu du terrain vis-à-vis de la monnaie américaine. Si bien que les prix en roubles des céréales ont baissé. La Russie a ainsi remporté le dernier appel d’offre du Gasc qui a acheté 230 000 tonnes de blé à 218 dollars la tonne (192 €/t).
Dans le même temps, l’Algérie est revenue aux achats. La Jordanie a acheté 60 000 tonnes de blé et la Thaïlande, 193 000 t d'octobre à décembre.
Aucune planète alignée
Dans ce contexte, le renforcement de l’euro vis-à-vis du dollar assombrit encore un peu plus le début de la campagne céréalière des producteurs français de blé et d’orges puisqu’ils ne profitent pas pleinement de l’évolution haussière des cours exprimée en dollars.
Par ailleurs, la faible récolte de blé limitera mathématiquement l’impact de la hausse des cours puisque la récolte de céréales à paille est bien plus faible que l’an passé. Des prévisions du ministère de l’Agriculture, communiquées le 7 juillet dernier, il ressort une production de blé estimée à 31,3 Mt, soit la plus basse enregistrée depuis le début du siècle après celle de 2016 (27,6 Mt) et de 2004 (29 Mt). La diminution des emblavements (4,4 millions d’hectares, soit -20,8 % de moins que l’an dernier), la baisse des rendements (71,1 quintaux/hectare, soit 8 qx de moins qu’en 2019) et des conditions météorologiques peu favorables au développement de la culture depuis l’automne 2019 expliquent ce piètre résultat.
Des céréaliers français isolés
Dans l’Union européenne à vingt-sept, la baisse de la production de blé n’est pas seulement française. L’Allemagne, la Bulgarie et la Roumanie produiront aussi moins de grains si bien que la production européenne est estimée par Eurostat à 118 Mt (121,5 Mt en 2019-2020). Toutefois, le Conseil international des céréales projette 128 Mt.
La production d’orges recule aussi en France (- 1,4 Mt) mais à l’échelle de l’Union européenne, elle progresse de 1 Mt (56,2 Mt).
Toutes céréales confondues, la balance commerciale en millions de tonnes (Mt) de céréales n’excèderait pas 16 Mt selon la Commission européenne, soit 10 Mt de moins par rapport à la campagne qui vient de s’achever. 34,6 Mt (UE à 28) de blé et 7,54 Mt d’orges avaient du reste été exportées ces douze derniers mois tandis que les importations de maïs sont en repli à 19,52 Mt contre 24,06 Mt sur la campagne 2018/2019.
En France, l’abondante production de maïs attendue à la fin de l’été consolera une partie des céréaliers. Les conditions de cultures sont bonnes à très bonnes à hauteur de 83 %. Mais il reste à savoir à quels prix la récolte sera valorisée.
L’Union européenne à vingt-sept récolterait 71,9 Mt de maïs (+ 2Mt sur un an) selon Eurostat. Le regain de compétitivité de la céréale vis-à-vis du blé et de l’orge incitera les fabricants d’aliments à en utiliser 66,9 Mt. Mais la hausse de 0,5 Mt ne compensera pas la quantité de blé transformée en moins (1Mt). Toutefois, le marché européen réduira de 2,6 Mt sa dépendance aux importations (16,6 Mt).
Des ambitions commerciales calibrées
En France, les opérateurs ajustent leurs objectifs commerciaux et industriels en fonction des quantités de grains dont ils disposent. Au cours des douze prochains mois, seules 14,45 Mt de blé pourraient être exportées dont 7,75 Mt vers les pays tiers (- 6 Mt sur un an). Ses clients seront l’Algérie et le Maroc essentiellement. La France devra renoncer à vendre autant de blé que la campagne passée à la Chine (1,5 Mt environ ; 3ème client en 2019-2020) ou encore à l’Egypte (1 Mt).
Le manque d’attrait pour le blé réduira l’appétit des fabricants d’aliments. 4,4 Mt seront transformées, soit 500 000 t de moins que sur les douze derniers mois.
D’ici la fin du mois de juin 2021, 6,35 Mt d’orges seraient vendues à nos voisins européens (3,2 Mt) et hors de l’Union européenne (3,15 Mt). Les ventes baisseraient ainsi de près d’1,5 Mt. Or durant la précédente campagne (3,8 Mt d’orges exportées), notre pays en avait livré plus de 3 Mt à la Chine, au Maroc et à l’Arabie saoudite.