
Marché des céréales
Vers une lutte entre exportateurs et industriels pour le blé français ?
Signaux contradictoires cette semaine sur le marché du blé. D’un côté la révision du bilan européen par la Commission Européenne laisse penser que les craintes liées à la disponibilité du blé au printemps ne sont pas justifiées. En effet, en maintenant les exportations de la zone à 26Mt, soit 30% de moins qu’en 2019, et en diminuant la consommation domestique de 3Mt à 37Mt, Bruxelles aboutit à un stock final de 9,9Mt, confortable et supérieur à celui de 2019.
Cependant, la réalité du marché contredit ces chiffres. Du côté des exports d’abord, l’UE maintient une cadence soutenue et enregistre pour la période juillet-janvier un total de 15Mt, soit une diminution de seulement 15% par rapport à la campagne précédente. Cette semaine encore, l’appel d’offre égyptien pour 480kt pour la période 15-30 mars était remporté par les origines mer Noire et par la France, qui représentait 50% du volume. Mais c’est encore du côté de la consommation domestique que ces chiffres surprennent le plus. En effet la diminution de 3Mt contredit la forte demande des fabricants d’aliments constatée depuis plusieurs semaines. En France, la prime domestique reste soutenue, du blé rendu Bretagne aurait même été négocié à +20 pour avril-juin ! Le marché Euronext a cependant réagi cette semaine aux chiffres de Bruxelles et renouait avec son plus bas depuis 3 semaines à 221,25€/t mercredi. Le rapport USDA de la semaine prochaine devrait permettre au marché de se positionner clairement sur le bilan européen. S’il est aussi tendu que les primes le montrent, Euronext devra faire l’effort de décourager les exportateurs ou les triturateurs et monter encore davantage.
Autre élément d’incertitude, la politique agricole russe. La question de la mise en place d’une taxe à l’export n’a pas encore été tranchée mais le Gouvernement annonçait cette semaine la création d’une Commission en charge de fixer le taux flottant de cette taxe sans pour autant en dévoiler les modalités. Devant tant d’incertitude, les producteurs russes étaient de retour à la vente faisant fléchir les prix domestiques, ce qui était l’objectif à l’origine de ces taxes et de ces quotas.
Du côté du maïs, l’appétit chinois se maintient à un rythme spectaculaire. Cette semaine, le géant achetait 6Mt de maïs américain en 4 jours, un record absolu ! Ce mouvement a donné des ailes à Chicago qui renouait avec des niveaux plus atteints depuis 2014. Ce mouvement est accentué par la faible disponibilité du maïs sud-américain, en Argentine seulement 22% de la récolte est considérée « bonne/excellente », contre 59% l’année dernière, et la grève des chauffeurs routiers se poursuit, pénalisant la logistique de tout le pays.
Les orges elles aussi bénéficient de la voracité chinoise. La France représente d’ailleurs 95% des volumes importés par la Chine, ce qui est positif pour les producteurs en particulier dans un contexte où la filière brassicole souffre de la fermeture des bars et restaurants, mais créée une forte dépendance vis à vis de cet imprévisible partenaire. Cependant, tant que les relations sino-australiennes restent conflictuelles, l’origine française devrait continuer d’intéresser la Chine.